Mathilde Limito : l’humain au cœur de la réflexion

Interview

Le Mag c’est aussi l’occasion de vous présenter régulièrement de jeunes talents de la photographie. Aujourd’hui, nous souhaitons vous faire découvrir l’univers de Mathilde Limito à travers sa vision de ce métier très particulier. Dans sa démarche artistique, elle souhaite mettre l’humain au cœur de sa réflexion et de ses actions. Découverte.

Pourriez-vous nous présenter votre parcours en quelques mots ?

Je suis passionnée par la photographie depuis mon plus jeune âge. Sciences-politicienne de formation, j’ai appris le langage de l’image en autodidacte. En tant que photoreporter indépendante, je me suis engagée ces dernières années à devenir témoin de mon temps et des routes que je sillonne depuis 2016. Parmi mes expériences, j’ai figé en image des pays comme le Maroc, l’Inde, le Népal, le Myanmar, le Laos ou le Vietnam.

Mathilde Limito : l'humain au cœur de la réflexion

Après avoir réalisé une formation de photojournalisme à Katmandou en 2017, j’ai eu l’honneur de travailler pour le grand photoreporter Reza, au sein de son agence photographique à Paris. En Janvier 2020, j’ai organisé ma première exposition au Printemps à Paris sur le thème de « L’envol vers l’Asie du Sud-Est », introduite comme une invitation au voyage dans le cadre du Nouvel An asiatique.

Mathilde Limito : l'humain au cœur de la réflexion
Mathilde Limito : l'humain au cœur de la réflexion

Comment décrire votre style ?

Mon empreinte photographique se caractérise par des compositions structurées où les lignes, les couleurs et les
perspectives se bousculent. Mes images, souvent très colorées, sont le fruit de constructions de la réalité où les cadrages dessinent les sujets et les contrastes mettent en lumière les traits, les regards et les émotions.

Dans chacune de mes prises de vue, le goût de l’esthétique est un vecteur fondamental. En figeant dans l’intemporalité des instants de vie, mes images s’engagent à sublimer le réel. Désenchaînant les traits par mille variations, mon œil se veut rendre hommage à la beauté de ces scènes qui m’entourent.

Quelle est votre histoire avec Nikon ? Quel matériel utilisez-vous aujourd’hui ?

Au gré de mes découvertes, mon appareil photo est devenu un allié hors pair, dévoué sans relâche à accompagner mon regard. Fidèle à Nikon depuis plus de dix ans, j’utilise aujourd’hui un Nikon D850 avec pour objectifs un 35mm f/1.4G et un 50mm f/1.8G. J’ai toujours voulu privilégier les focales fixes, elles me permettent de maîtriser mon cadrage en laissant mon corps s’adapter au paysage tout en assurant une qualité absolue de l’image.

Mathilde Limito : l'humain au cœur de la réflexion

Quel est le rôle de la photographie selon vous ?

Elle est un art qui me permet de puiser dans mes émotions et d’user de ma sensibilité pour retranscrire en image ma vision du monde et partager mes témoignages. La photographie est à mes yeux ce que la peinture était pour Modigliani, « D’un œil, observer le monde extérieur, de l’autre regarder au fond de soi-même. ».

Le rôle de la photographie se décèle dans l’expression du moi intérieur qu’elle révèle. Reflet de son auteur dissimulé derrière l’objectif, elle est aussi le socle de la contemplation du monde. Barrières au silence et remèdes contre l’oubli, les images éveillent les consciences en dévoilant les richesses, les plaies et les fragments d’une Humanité changeante.

Mathilde Limito : l'humain au cœur de la réflexion
Mathilde Limito : l'humain au cœur de la réflexion

L’humain semble être au cœur de votre réflexion, comment préparez-vous vos projets ?

J’immortalise des scènes de vie parfois frappantes où la présence humaine est centrale. Mes projets trouvent d’abord résonance dans chaque rencontre. Mes réflexions photographiques se révèlent autour d’échanges où les regards, les intrigues et les émotions se croisent, au-delà des différences linguistiques, des modes de vie pluriels et des écarts culturels. Alors, mon œil compose le tableau de cette réalité émanant où l’image se transfigure. D’instants précis marqués dans le temps et l’espace, il transforme l’éphémère en intemporel et pérennise ces scènes dans le patrimoine de ma mémoire visuelle.

Mathilde Limito : l'humain au cœur de la réflexion
Mathilde Limito : l'humain au cœur de la réflexion

Quelle est la photographie dont vous êtes la plus fière ?

Elle retrace le récit d’une rencontre marquante. Février 2017. Le début de mes premières découvertes au Népal et déjà le moment le plus émouvant de mon voyage. Rama, cette femme au regard perçant, rencontrée au hasard d’une ruelle sombre de la ville de Katmandou. Seule dans l’indifférence et la pauvreté, elle vendait des cigarettes sur un trottoir poussiéreux. À cet instant et à la limite du crépuscule, elle s’est tournée vers moi.

Mathilde Limito : l'humain au cœur de la réflexion

Poursuivant nos instincts et défiant les barrages de nos langues étrangères, nous nous sommes prises dans les bras. Dans cette obscurité, mon image est restée figée sur son regard illuminé. Dans cet endroit où les murs sont rois, les rues abritent les quotidiens, confrontent les habitudes de vie et défient, chaque jour, le sort des femmes dans un monde où le masculin l’emporte. Nous sommes toujours restées proches, aujourd’hui encore. Cette photographie immortalise le souvenir de ce hasard et honore le portrait de Rama.

Quelles sont vos inspirations ?

Inévitablement, j’ai toujours admiré la puissance de l’œuvre de Steve McCurry, cette légende du photojournalisme depuis plus de 50 ans dont les images me fascinent tant. J’ai aussi été inspirée par la vie, les combats et les images marquantes du photographe brésilien Sebastião Salgado, dont le documentaire « Le Sel de la Terre » provoquera en moi un véritable éveil photojournalistique. J’aime aussi les compositions originales d’Alex Web, la nudité esthétique de Ren Hang et l’obsession des couleurs dans les scènes de films de Wong Kar-Wai.

J’admire aussi ces femmes aventurières dont les dévouements m’inspirent tant. Les périples et les premiers pas d’Anita Conti, océanographe et photographe française du XXème siècle, me donnent envie de prendre le large à la conquête des grands glaciers et des océans. Le courage et l’oeil d’Adrienne Surprenant, photographe canadienne basée en Centrafrique, encouragent mon désir profond de témoigner de mon époque et de fouler la terre à la conquête d’horizons nouveaux.

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Enfin, j’ai tant été inspirée par les photoreporters de la guerre du Vietnam. En 2017, j’ai réalisé un mémoire de recherche sur ces soldats de l’image engagés dans la couverture de ce conflit. Présents sur le sol vietnamien, ils diffuseront sous les yeux de l’opinion publique mondiale, l’image d’un pays vidé de son sang, meurtri par les destructions massives et dévasté par les bombes. Je pense à cette femme dans la guerre, Christine Spengler, qui réalise avec un regard neuf un remarquable portfolio. Aux talents inestimables de Don McCullin et Horst Faas, qui laissent une trace impérissable dans le déroulement de la guerre. Je pense aussi aux plus admirés de l’époque, auteurs emblématiques de photographies à la fois passionnantes et douloureuses, Henri Huet et Larry Burrows, disparus dans les airs en 1971. Enfin, je pense aux confrères fantômes, de l’autre côté du conflit.

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Figures mythiques pour les partisans de leur camp, ils couvrent sous les bombes les atrocités de cette guerre asymétrique. Ces photographes du Nord-Vietnam, à l’image de à Vo Anh Khanh, ont mis au point des techniques particulières pour exploiter la lumière et apporter une originalité atypique à leurs photos.

Ces grandes figures du photoreportage ont, de près ou de loin, façonné mon travail photographique, aiguisé mon regard artistique et affirmé avec ferveur mon goût pour l’image.

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Pourriez-vous nous parler du concours Silk Roads organisé par l’UNESCO ?

En mai 2020, j’ai figuré parmi les lauréats du concours photo Silk Roads, sous l’égide par l’UNESCO. L’an dernier, l’UNESCO a organisé la deuxième édition de son concours international de photographie afin de partager en image les visions plurielles du Patrimoine des Routes de la Soie et de mettre en lumière l’identité des peuples concernés. Le concours a reçu plus de 3 500 photographies de participants issus d’une centaine de pays à travers le monde. Ma photographie Equilibre d’un pêcheur birman, choisie par les Membres du Comité International de Sélection, fera partie d’une exposition itinérante à travers le monde, dont la première étape sera marquée par son inauguration au siège de l’UNESCO à Paris.

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Quels sont les projets à venir ?

Dans cette conjoncture si particulière, je travaille d’abord à réinventer mon langage photographique et recentrer mon regard sur ce qui m’entoure. Parallèlement à mes découvertes et frappée par la complexité des crises, je me suis aussi engagée depuis plusieurs années au travers d’actions humanitaires au service des réfugiés.

En résonance à mon vécu en Asie du Sud-Est, j’ai pour projet de m’intéresser au témoignage des Rohingyas exilés en France. J’aimerais mettre en lumière les routes de l’exil et raconter les récits de cette minorité birmane, persécutée par la junte militaire depuis des siècles au Myanmar.

Mathilde Limito : l'humain au cœur de la réflexion

Dans un contexte où la situation des femmes est un combat universel, je voudrais aussi continuer à parler de leurs vécus et montrer en images leurs quotidiens dans des régions trop souvent placées à l’écart de ces débats.

Mathilde Limito : l'humain au cœur de la réflexion

Dans une plus large mesure, j’aimerais continuer à pouvoir user de ma passion pour les images et les mots. Poursuivant mon objectif, je voudrais transmettre mes récits et utiliser mon appareil photo comme un outil de transmission, afin d’inscrire mes photographies dans le fil l’Histoire et de la mémoire collective.

Mathilde Limito : l'humain au cœur de la réflexion
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Si vous appréciez le regard de Mathilde et que vous souhaitez en savoir plus, nous vous invitons à la suivre sur son compte Instagram.

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Mathilde Limito

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  1. PAPAVI PICTURES dit :

    J’aime cette inspiration
    Combien peut coûter le matériel utilisé ?

  2. Borme Guilhem dit :

    Très belle interview de votre part pour une photographe de talent qu’est Mathilde Limito!
    Magnifique photos pour de belles inspirations.

  3. Descazals dit :

    Comment maitriser son cadrage avec une focale fixe…on est obligé de s’avancer ou de reculer pour obtenir le résultat recherché