Éric Ceccarini : éloge du corps féminin entre peinture et photographie

Portrait

Ce photographe belge aux origines italiennes célèbre depuis des années la splendeur des corps féminins. Des nus gracieux capturés à la lumière naturelle sans artifices techniques. Son portfolio est un enchantement du regard sur la photographie, l’art et la peinture. Un style unique, propice à l’expérimentation, comme le démontre sa série cathédrale « The Painters Project », réunissant plus de 120 artistes internationaux. Portrait réalisé par Nathalie Dassa de ce Nikoniste addict, installé entre Bruxelles et Ibiza, qui sacralise derrière l’objectif les courbes féminines, douces et sensuelles, et dont les œuvres sont exposées à travers le monde.

Depuis trente-cinq ans, Éric Ceccarini explore les champs des possibles de la photographie et les sources mouvantes de la lumière naturelle. Ce passionné depuis l’enfance a très vite manifesté son indépendance, installant son laboratoire à domicile, développant ses bobines, réalisant ses propres tirages. Après son diplôme de photographie en poche, à la fin des années 1980, il démarre une première carrière auprès des magazines, des agences de publicité et des marques telles que L’Oréal, Levi’s, Coca-cola ou Chopard. C’est l’époque de l’esthétique léchée de Richard Avedon, Helmut Newton, Guy Bourdin, Irving Penn, qui éveille, nourrit et cultive sa sensibilité. À l’aube de la décennie 2010, ce néo-esthète opère un tournant décisif et conquiert le monde de l’art, interrogeant son propre médium sur l’étude des corps féminins via diverses formes expressives, artistiques et picturales pour en capturer toute l’essence et la sensualité.

Le nu photographique comme portrait

Éric Ceccarini est un artisan fidèle à son regard, ses techniques, son procédé de création. Pour ce contemplatif, l’appareil photo se définit comme « un pinceau de peintre » et les femmes représentent « le plus beau des paysages ». Des silhouettes reposantes, des contours qui l’émeuvent : « J’ai commencé à déshabiller mes mannequins après un photoshoot pour une robe de mariée », explique-t-il « Cette femme est venue à moi. Elle avait 28 ans, se sentait belle, au sommet de sa beauté, et avait toujours rêvé de faire du nu. Elle me l’a proposé car elle se sentait à l’aise et en confiance. Avec la lumière naturelle, le noir et blanc et ce magnifique corps métis, j’ai créé des images qui correspondaient à ce que je voulais exprimer, voir et ressentir. Le noir et blanc amène une dimension nettement plus artistique, moins sexualisée, moins sexuelle. ». Cette première photographie de nu fut ainsi le marqueur d’un début de carrière dévoué à l’une des plus grandes obsessions de l’art et de la photographie.

Éric Ceccarini : éloge du corps féminin entre peinture et photographie

Mais Éric Ceccarini est aussi un Nikoniste discret dans l’âme, depuis l’âge de quinze ans : « Mon premier Nikon était un FM2, d’une robustesse incroyable et 100 % mécanique. Même sans pile, il était encore possible de déclencher ce boîtier emblématique n’importe où, en plein désert ou au pôle Nord (rire) ».

Il n’a depuis lors jamais quitté la marque nippone, suivant les générations entre F3, FE2 et sa version électronique, F100, D700, D800 et bientôt D850 : « Je pense avoir écumé pas mal de boîtiers (rire). Ils me donnent satisfaction dans le sens où je photographie des personnes, des personnages, des modèles. J’adore l’ergonomie, la facilité, mais le plus significatif reste les optiques, vraiment chaudes et chaleureuses pour les rendus de peau et de chair. À l’époque de l’argentique, j’étais déjà un adepte de films que j’exposais en ISO 400 car le grain adoucissait les formes, gommait les petites imperfections de manière douce et naturelle. J’ai aussi beaucoup manipulé le FA. Très léger et rapide. En termes de vitesse, il permettait de figer mes sujets ; pratique pour répondre à des commandes publicitaires. ».

Éric Ceccarini : éloge du corps féminin entre peinture et photographie

Aux sources de la lumière

« Amnios » est ainsi l’une des deux premières séries, après « Nudes », qui marque cette césure dans son parcours, lui permettant de quitter l’univers de la mode et de la publicité pour des projets personnels. Le photographe montre ici des silhouettes diaphanes qui rendent sensuelles leurs formes aux limites de l’abstraction : « Diriger ces modèles et voir leurs ombres presque danser à l’arrière de cette toile que j’avais tendue devenaient hallucinant. Sur le plan technique, j’ai utilisé le F100 en argentique puis le D700 en digital, avec l’optique 85 mm. Pas de grande différence entre les deux boîtiers. Quand on agrandit les tirages, le grain est différent mais reste présent. ».

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Avec « Mother Nature », il choisit de mêler les corps au paysage ibizien où il s’est installé de manière constante depuis 2014 : « La nature est tellement belle dans le nord de l’île. J’imaginais mes modèles au milieu de cet environnement sauvage. C’était une autre manière d’exprimer la beauté et l’esthétique féminines ; une connexion entre la femme qui donne la vie et Mère Nature. Sur cette série, j’ai travaillé avec le D800 et le 24 mm, une optique en extérieur que j’affectionne car elle est lumineuse, précise, un rendu d’images sublime. ».

La plupart des séances se déroulent d’ailleurs sur cette île des Baléares, dans sa finca au sein de son studio, un patio où le soleil s’invite constamment : « Je peux y travailler 350 jours par an ; il pleut rarement, la lumière est magnifique, les ombres sont extrêmement saturées. Ma matière première en énergie est ce soleil tout-puissant. Cette saturation de couleur permanente, avec cette terre rouge, m’a facilité la tâche en tant que photographe. Tout incite à la créativité, à la création. ».

Éric Ceccarini : éloge du corps féminin entre peinture et photographie

À la rencontre de l’art et de la couleur

C’est à travers « The Painters Project » que ce portraitiste, adepte du noir et blanc, transcende son approche, faisant surgir la couleur pour un regardeur conquis. Mais pas n’importe laquelle, celle issue d’une fusion de deux visions artistiques, celle d’un ballet à trois entre un peintre, le photographe et un modèle. Cette série de clichés réunit plus de 120 plasticiens de renommée internationale, qui se sont prêtés à l’exercice d’une toile vivante pour la première fois.

S’en dégage une ode à la beauté des femmes qui confine au pictural via des images douces et veloutées : « Certains artistes ont été très rapides à l’exécution. D’autres ont mis 7-8 heures pour exprimer leurs idées. Mais il est important de se placer du point de vue du modèle. Elle est nue et doit rester stoïque, calme, patiente. Elle ne peut pas bouger, ou très peu, car dès qu’elle plie les jambes, les bras, les doigts, ou qu’elle fléchit les genoux, la peinture peut craqueler. Certaines craquellent volontairement, offrant des résultats très intéressants. Elle doit ensuite me donner 100 % de son énergie pour obtenir une belle photo. Le rapport entre les trois est vital et important ».

La série a été réalisée en majorité avec le D800 et ses 40 millions de pixels, permettant à cet avide des grands tirages d’ajouter de la puissance à toutes ces femmes : « J’aime beaucoup cet appareil, tout en ayant la possibilité d’emmagasiner près de 800 photos sur une carte giga. J’aime chercher les détails sur mes fichiers, comme une gamme de gris. Un moyen de l’exploiter sans limite et de pouvoir tout agrandir car j’adore les grands tirages. C’est un bon compromis entre le réflexe traditionnel et le digital chirurgical. Quand je monte dans mes ISO, il me donne le grain que j’obtenais sur pellicule ».

Pour la photo sur l’éclaboussure géante dite « Splash », le D800 a notamment répondu à ses attentes sur la rapidité et l’efficacité de l’exécution : « Le modèle a reçu un litre 1/2 d’un mélange de lait, de peinture blanche et de silicone pour rendre le liquide plus épais. Ce splash a été répété une cinquantaine de fois sur la journée. L’œil humain est incapable de capturer ce moment précis, j’ai donc pris en rafale avec mon boîtier, de 4 à 5 images/seconde. Le temps que ce jet traverse et explose sur le corps du modèle, j’avais capturé à peu près quinze photos ».

Les optiques comme prolongement du regard

Que ce soit « The Painters Project », « Mother Nature », « Ballerine » ou « Rooms », Éric Ceccarini travaille avec trois optiques fétiches : le 24 mm, le 50 mm, le 85 mm : « Ni trop grands ni trop impressionnants, ces objectifs fixes me donnent une certaine proximité avec le modèle. La luminosité permet aussi de m’adapter à la lumière d’un atelier de peintre qui pourrait être faible ou ne filtrant que par une lucarne, ce qui m’est arrivé. En règle générale, je ne suis pas un dingue de technique ni de matériel, mais je reste attaché à Nikon car les optiques travaillent suffisamment l’image par rapport à mon regard. Celles que je possédais dans les années 90 peuvent encore être utilisées sur mes boîtiers aujourd’hui. La monture baïonnette est une invention absolument géniale ! ».

Depuis le début de sa carrière, il a shooté en vertical pour des magazines, de l’éditorial. Un format qu’il n’a finalement jamais quitté : « J’ai peu de projets où je vois le monde de manière horizontale. Et le 85 mm reste encore aujourd’hui une référence en objectif de portrait. J’ai également utilisé le 135 mm 2.8, le 185 mm 2.8 et le 300 mm 2.8. Celui-ci était parfait à l’époque car la mode aimait l’écrasement littéral du sujet sur le fond avec une profondeur de champ très réduite. ».

Aujourd’hui, Éric Ceccarini continue d’exposer ses séries à travers le monde et a des rêves géographiques : partir à la rencontre d’artistes à bord d’un van sur le continent africain et asiatique. « Je l’ai déjà fait aux Seychelles et à l’île Maurice. Je m’imagine comme Irving Penn avec son studio mobile, qui serait fait d’une toile noire et blanche, me permettant de voyager et de rencontrer les artistes directement sur place. J’ai également très envie de me rendre sur le continent nord-américain et dans des lieux moins lumineux, moins évident. En 35 ans de carrière, je pense avoir cette capacité d’adaptation par rapport à la lumière. ».

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  1. Gee dit :

    Superbe ….
    Thank ? …. ?? ?