L’enivrante Pologne d’Erik Witsoe

Interview

Quand il quitte sa Côte Ouest Américaine pour la Pologne, Erik Witsoe ne connait guère plus la photo que les quatre saisons. Et pourtant, ce voyage va réveiller ses sens et changer le cours de son existence.

L’enivrante Pologne d'Erik Witsoe

Comment a commencé votre histoire avec la photographie ?

L’art fait partie intégrante de ma vie. Je dessine, je peins, ça devait être une suite logique en fait. Il y a quelques années, je me suis retrouvé dans une sorte de gouffre créatif, c’était vraiment perturbant. Ma fiancée Agnieszka, qui est une photographe avertie, m’a tendu ce Nikon D80 et m’a poussé à m’y mettre sérieusement, histoire de sortir de ma torpeur. J’ai toujours eu des appareils et fait des photos, mais pour la première fois je donnais une tournure créative à tout ça, et c’est ce qui m’a poussé à m’y mettre à fond.

Au début je me sentais un peu pataud avec l’appareil, et je ne trouvais pas grand chose à photographier autour de moi. Puis je me suis mis à explorer en macro avec un objectif 60mm et là je me suis senti vraiment plus à l’aise. Je me jetais sur tout et n’importe quoi : des débris, des vieux trucs rouillés, vraiment ça m’éclatait. Ça m’a permis de me familiariser avec mon appareil, le cadrage, les réglages, la technique photo, et de là, j’ai pu élargir mon spectre.

L’enivrante Pologne d'Erik Witsoe

Après plusieurs mois de pérégrinations, Agnieszka m’a donné un objectif 50mm 1.4f grâce auquel j’ai pu donner une nouvelle perspective à mes images. J’ai appris à mieux maitriser la profondeur de champ, le Bokeh, à mieux composer ma photo aussi. Avec cet objectif, j’avais enfin l’impression de rendre en photo ce que mes yeux voyaient. Capter une scène, un moment, en attirant l’attention sur un élément en particulier, sans l’encombrer du superflu. Cette révélation a totalement changé mon approche de la photographie. C’était comme peindre avec des images !

Serait-ce votre définition de la photo aujourd’hui ?

Je dirais « peindre avec la lumière ». J’adore les contrastes et la richesse des ombres. J’aime vraiment les images qui figent un moment, un peu comme une peinture, et qui donnent envie de plonger dedans. Saisir l’éphémère, et savoir que le moment précis et fugace que l’on capte en photo ne sera plus jamais vu ailleurs. Rendre un moment ordinaire extraordinaire. Chaque moment est unique, donc chaque photo l’est. Le temps avance sans cesse, et finalement la photo reste un des rares moyens de le stopper dans sa course. Il y a cette phrase que j’adore qui dit « On ne sera jamais plus jeune qu’en ce moment précis ». C’est un peu cette idée qui me guide.

L’enivrante Pologne d'Erik Witsoe

Qu’est-ce qui vous guide encore ? Il y a des photographes qui vous inspirent ?

Il y en a tellement… Le premier qui me vient en tête, c’est Saul Leiter. Son travail est incroyable, il résonne profondément en moi. Comme Julien Coquentin. C’est vraiment ce vers quoi je voudrais tendre. Il y a aussi Brassai et Henri Cartier Bresson qui m’inspirent au quotidien. Oh, et Elliott Erwitt, j’adore son livre sur Paris. J’en reviens juste, c’était vraiment génial d’aller sur les lieux que j’ai pu voir dans ses photos. Cette ville est tellement inspirante… J’ai d’ailleurs trouvé un album photo de Thierry Colin pendant mon séjour, qui a vraiment éveillé quelque chose en moi. Même si je shoote essentiellement en couleurs, le noir et blanc a tendance à m’attirer.

L’enivrante Pologne d'Erik Witsoe

D’ailleurs, quel matériel utilisez-vous pour shooter ?

J’ai toujours mon Nikon D80 avec un objectif Nikkor 35mm 1.8f. Toujours paré et prêt à shooter ! J’emmène vraiment le strict nécessaire quand je sors, histoire de rester léger et flexible. Quand je pars sur de plus longues excursions, je prends quelques objectifs supplémentaires (un Nikkor 50mm 1.4f, un Nikkor 60mm 2.8f, et un Tokina AF 20-35mm 3.5 – 4.5f.). Voire même un trépied, parfois. Mais au quotidien, je sais que je peux me reposer sur mon 35mm. C’est vraiment ce qui cadre le mieux avec mon travail maintenant.

L’enivrante Pologne d'Erik Witsoe

Justement, vous avez commencé à faire des photos avec un 60mm, puis un 50mm. Pourquoi avoir finalement jeté votre dévolu sur le 35mm ?

Un jour nous sommes allés passer les fêtes de Noël en Pologne dans la famille d’Agnieszka. C’était fantastique, et de retour à Seattle nous n’avions qu’une idée en tête : retourner y vivre. En septembre 2011, nous y étions. J’étais à la fois super excité mais un peu anxieux de savoir si j’arriverais à me faire à cette nouvelle vie, ce nouveau pays, cet environnement totalement inconnu. Mon appareil est vite devenu mon meilleur ami. Il ne me quittait jamais, et me permettait aussi de partager mes aventures en ligne avec mes proches.

Ce départ pour la Pologne a vraiment marqué un tournant dans ma vie, c’est à partir de là que je me suis pleinement consacré à la photo. Tout autour de moi, chaque détail prenait vie. Avant de quitter Seattle, j’avais acheté un objectif 35mm 1.8f qui prit tout son sens dans les rues de Poznan. C’était l’objectif le mieux adapté pour capturer une présence tout en continuant à jouer avec la profondeur de champ et les flous. J’ai mis un peu de côté mon 50mm pour me consacrer à de plus larges horizons, à la ville, à la rue et ses secrets. C’est vraiment à partir de là que mon 35mm ne m’a plus jamais quitté !

L’enivrante Pologne d'Erik Witsoe

C’est en arrivant à Poznan que vous avez eu envie de faire de la photographie de rue ?

Pour être exact, j’en faisais déjà un peu à Seattle. Mais j’utilisais plus un 50mm, j’aimais bien jouer avec les réflexions, dans les flaques notamment – il y en a quelques-unes à Seattle ! Je vadrouillais pas mal dans la ville, je découvrais tout ça et je cherchais partout des sujets pour m’exercer et répondre à mes pulsions créatives. Mais oui, c’est en arrivant à Poznan que je me suis consacré pleinement à la photographie de rue et au 35mm.

L’enivrante Pologne d'Erik Witsoe

Parlez-nous un peu de la Pologne, qu’est-ce qui vous a tant séduit dans les rues de Poznan ?

Quand je suis arrivé en Pologne, j’ai vraiment été émerveillé – et je le suis toujours – par la beauté et la richesse des couleurs. Ayant grandi aux Etats-Unis, je ne connaissais la Pologne qu’à travers de vieux clichés noir et blanc, et souvent des heures les plus sombres du pays. Je peux voir ça d’un tout autre œil maintenant que je vis ici.

Durant notre seconde année à Poznan, on a ouvert un petit coffee shop qui nécessitait que j’arrive très tôt. Tous les matins, je traversais la ville à pied, parfois en tramway, mais toujours avec mon appareil. C’était un petit trajet, qui ne devait prendre que 17 minutes mais je m’arrêtais sans cesse pour photographier quelque chose. Ce nouveau monde mêlé aux changements de saison, ces nouvelles couleurs, ces nouvelles vies, vraiment, tout m’inspirait. Petit à petit, je voyais plus la ville comme un observateur que comme un touriste, bien que l’excitation de découvrir chaque jour un peu plus la Pologne ne m’a jamais quitté. Je trouvais toujours de nouveaux spots, de nouveaux points de vue, de nouvelles perspectives. Comme la réflexion, que j’utilise encore pour donner plus de profondeur à mes clichés, ou les sublimes lueurs de l’aube, après lesquelles je cours sans cesse !

L’enivrante Pologne d'Erik Witsoe

L’année dernière, après 4 années intenses et prospères, on a fermé le coffee shop, et j’ai donc pu me dédier à la photo à plein temps. Mais je continue de me lever aux aurores pour chasser les lumières de la ville au petit matin !

Et maintenant, quels sont vos projets ?

Et bien je suis justement en train de planifier tout ça, j’ai pas mal d’idées. J’aimerais vraiment pouvoir exposer mon travail ici en Pologne, et à travers l’Europe. Aux Etats-Unis aussi, faire un petit Road Show, pour partager mon expérience, mes photos, parler de la vie en Pologne comme je l’ai vécue, retranscrire mes impressions, ces couleurs, évoquer les différences culturelles, et casser cette image austère qu’on peut avoir de ce pays outre-Atlantique. J’ai vraiment envie de mettre la Pologne en lumière.

J’aimerais aussi publier un second livre mais je ne suis pas encore arrêté sur le thème. J’ai cette fascination pour les vieux tramways d’ici, leur place et leur esthétique dans la ville, je crois que ça pourrait faire un bon livre, non ? Ou peut-être quelque chose articulé autour de la beauté des saisons en Pologne, c’est vraiment quelque chose qui m’émerveille. Rien de concret pour le moment, mais j’y réfléchis !

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Et puis il y a toute une liste de villes que je voudrais visiter, et documenter. Les gens qui y vivent aussi. Je suis particulièrement intrigué par les gens et leurs histoires. Peut-être intégrer ça pour donner une dimension humaine et plus narrative à mon travail dans les années à venir. On verra bien !

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Erik Witsoe

Quand il quitte sa Côte Ouest Américaine pour la Pologne, Erik Witsoe ne connait guère plus la photo que les quatre saisons. Et pourtant, ce voyage va réveiller ses sens et changer le cours de son existence.

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