Photographe naturaliste depuis plus de 10 ans, David Wagener souhaite utiliser l’image pour sensibiliser le monde à propos de la fragilité de la nature qui nous entoure. Il capture sa beauté pour changer le regard que nous portons sur certaines espèces dites « nuisibles » et qui assurent pourtant un équilibre essentiel. Découvrez son parcours et sa philosophie dans cet interview.
Pourriez-vous présenter votre parcours en quelques mots ?
À l’âge de douze ans, un amour pour la nature sauvage s’est développé, à travers une escapade en Alsace pour faire des balades en famille, j’étais tombé nez à nez avec une harde cerfs. Cette rencontre était à une belle proximité où j’ai aperçu pour la première fois de ma vie des grands cerfs pendant leurs pertes de leurs couronnes au mois de février mars.
Cet instant avec ces bêtes sauvages a totalement bouleversé mon destin, à l’école, je pensais qu’à rentrer pour aller trouver les cerfs et de les observer et apprendre à connaître, les suivre et plus tard finalement faire des images. En tant qu’adolescent, je passais tout mon temps libre en forêt, pour moi le seul but dans la vie était d’être proche des animaux sauvages. Quand j’ai appris que la chasse était un loisir de pouvoir tuer les animaux, cela m’a affecté au plus haut point même encore plus à l’heure d’aujourd’hui.
Je me souviens d’une soirée en pleine période de brame, j’avais à peine quatorze ans, j’étais proche d’une lisière de forêt quand les biches sont sorties de la forêt profonde. Quand soudain, deux grands cerfs sont apparus du même endroit juste quelques minutes après les biches, un beau quatorze cors, il avait l’air d’être une bête expérimentée, à côté un grand dix-huit cors qui sortait juste derrière. Quelques minutes plus tard, je regardais à travers les jumelles et en même temps je vois le cerf s’écrouler par terre à travers d’un tir.
Cette soirée-là, j’étais en larmes, j’avais le sentiment que l’humain ne comprenait pas l‘utilité de ces grands mammifères. Le plus dur pour moi, c’était de les voir et de les connaître, je connaissais le comportement de beaucoup d’individus différents et par la suite les voir disparaître à cause de la chasse. Cela paraît peut être un peu bizarre de décrire cela, mais je ressentais un lien entre ces bêtes et moi-même et à chaque période de chasse, j’avais la peur de ne plus pourvoir les observer.
À travers ces instants, qui pour moi étaient durs en tant qu’adolescent, j’ai commencé à faire des images pour sensibiliser les gens et à essayer de faire comprendre que la beauté de la nature est plus importante qu’un trophée accroché à un mur. De fil en aiguille, j’ai commencé à partager mes images, faire des expositions chez moi au Luxembourg et maintenant je termine un dernier projet « un court film sur le brame du cerf » et ensuite je me lance entièrement sur la recherche des grands prédateurs d’Europe ».
Quelles sont vos inspirations ?
Je me suis toujours inspiré de grandes personnalités qui mettent en avant le respect envers l’animal. Au début, où je commençais à faire des images animalières et où j’étais un débutant dans mes approches et avec ma connaissance limitée aux animaux sauvages. Je me suis beaucoup inspiré par l’approche de Vincent Munier, son côté naturaliste, de ne pas déranger un animal simplement pour avoir une image, déjà tout jeune j’écoutais toutes ses interviews, je suivais chaque ouvrage « Arctique avec les loups arctique, le Tibet pour la panthère des neiges, et je suis un grand fan de son travail photographique dans les Vosges. Je me souviens très bien, quand j’avais quatorze ans, j’avais écouté une interview où il disait que notre faune aux alentours est tout autant intéressante que celle de l’autre côté de la planète.
J’ai décidé de prendre ce chemin-là, de ne pas que connaître quelques espèces et ensuite aller à l’autre bout de la terre pour photographier des ours polaires ou des tigres, des loups arctiques ou des renards polaires. Plutôt débuter chez soi dans son alentours, s’entrainer, comprendre et savoir connaître sa région et suivre les traces des espèces en Europe et ensuite aller fréquenter les pays lointains. Je suis cet avis, que les espèces en Europe sont tout aussi intéressantes à suivre et je pense que le défi de se lancer dans un projet pour les grands prédateurs en Europe et tout aussi difficile que d’aller autre part. Je suis encore toujours ému par sa démarche de s’harmoniser avec le milieu sauvage, je pense que l’envie d’aller plus loin est décisif, dépasser ses limites et sortir de sa zone de confort font partie de l’évolution de soi-même.
Pour le côté bivouac et vivre en pleine nature sans peut-être croiser des animaux sauvages je me suis inspiré par l’approche de Mike Horn. Il est à mes yeux est une grande force de motivation, sa connaissance de survie que ce soit dans les montagnes, la jungle ou le Pôle Nord, ce qui me fascine chez lui c’est ne pas craindre la nature mais de l’affronter et d’avoir le courage de se mettre dans des conditions qui peuvent être très violentes pour l’être humain. Son courage de faire face aux conditions hostiles sont celles qui me motivent chaque jour à me mettre dans des conditions inconfortables pour atteindre mes rêves.
Ce qui pour moi aujourd’hui est très important, c’est que d’une façon, je me suis inspiré d’un naturaliste et d’un photographe animalier et de l’autre, d’une personne qui peut être n’est pas aussi passionnée par les animaux sauvages mais plus des endroits hostiles où l’homme ne vit plus à l’heure d’aujourd’hui. Ce mélange des deux grandes inspirations m’aide beaucoup sur le terrain, d’une part accepter les conditions inconfortables et de l’autre se sentir en harmonie avec la bête sauvage.
La photographie est-elle selon vous un moyen efficace pour militer et sensibiliser ?
Je pense que la photographie est un art, qui permet parfaitement à militer et sensibiliser par des sujets ou des ambiances. Personnellement, j’ai choisi de montrer le beau dans la nature, à travers mes images j’essaye de faire ressortir les émotions de ses différentes espèces vivantes. Je suis de cet avis, qu’il ne suffit plus seulement d’aller faire des images pour son propre plaisir mais plutôt pour réveiller les personnes inconscientes à la beauté de notre planète.
Bien qu’il n’existe pas que de la beauté, il faut essayer de trouver le beau dans toutes les expériences, c’est ce chemin que j’ai décidé de prendre pour alerter contre toutes les injustices et en tant que témoin de ce qu’il se passe dans nos écosystèmes. Je trouve que souvent l’image ne suffit plus pour sensibiliser, je me suis mis beaucoup dans l’observations pour filmer le comportement de nos animaux sauvages, la prise de film rejette quelques fois encore plus d’émotions pour sensibiliser les gens au respect de la faune sauvage. Pour répondre au plus précis à votre question, je pense que le mixe entre l’image et la vidéo sont le parfait mélange pour militer en sensibiliser.
Quel est votre meilleur souvenir photographique ?
Pour être totalement honnête à cette question, je ne peux choisir qu’une seule rencontre photographique, il y en a déjà eu tellement où j’ai eu le privilège de la nature d’y assister à des spectacles de grande émotion.
Premièrement, au début où j’ai commencé de travailler avec du matériel professionnel de Nikon, j’ai souvent assisté à de beaux instants inoubliables, mais le souci dans cela c’est que bien souvent cette peur nous accompagne de ne pas avoir l’image parfaite si l’on ne regarde pas à travers notre viseur du boîtier. Une de mes plus belles rencontres, ça me rappelle mon passé en tant que très jeune, à l’âge de quatorze ans, je voulais absolument photographier mon premier grand cerf sur sa place de brame. J’avais une grande peur à cet âge-là, c’était d’être seul dans les bois pendant la nuit car pour moi c’était quelque chose de nouveau et de très intime avec la nature en elle-même.
Quelques temps plus tard, j’ai décidé de prendre mon courage en mains et de parcourir cette forêt en pleine nuit pour finalement me rendre sur une prairie où je savais que le cerf y arriverait mais cela était une question de temps. Quand on a le courage de fréquenter les forêts en pleine nuit et d’avoir la maîtrise de soi-même et d’attendre tout simplement. Cette rencontre n’était pas belle en tant qu’image car à cette époque, j’avais un Nikon D5500 et un vieux 80-200mm f2.8 où l’autofocus fonctionnait simplement en mode manuel. Le cerf s’est approché de moi à quelques mètres en bramant et par la suite il a continué son sentier avec ses biches et il ne m’avait pas aperçu.
Je me souviendrais toujours de cette émotion qui m’a bouleversé jusqu’au plus profond, je tremblais, j’étais choqué de la taille de ce cerf et en même temps terriblement fier de moi d’avoir osé attendre en pleine nuit jusqu’à ce que le cerf s’approche de moi.
Je me rappelle un instant en 2017, le 22 septembre pendant la période du brame du cerf. Tôt au matin, vers quatre heures je me dirigeais ensemble avec mon père dans les profondeurs d’une forêt, des raires à gauche et à droite et ensuite on se séparait parce que je préfère de toujours être seul avec l’animal, je me prépare pour me mettre à l’affût et j’attends, après quelques heures passées, j’ai pu photographier quelques cerfs mais je voulais une rencontre plus proche avec un cerf. Je décide de me déplacer sur un autre endroit, quand soudain j’entends un cerf proche de moi, je me mets à plat ventre et j’attends qu’il s’approche. Il vient vers moi, entre lui et moi, une trentaine de mètres nous sépare entre des branches de jeunes arbres. Il me regarde droit dans les yeux pendant de longues minutes, et je sais très bien qu’il m’avait aperçu mais il restait proche de moi.
Ce caractère m’a fait réfléchir longtemps, j’ai toujours voulu comprendre pourquoi ce cerf n’a pas craint ma présence, il a pris la décision de m’observer sans bouger pendant de longues minutes, ensuite ses biches ont avancé vers ma droite et il a continué son chemin sans aucun dérangement.
Je peux vous dire, que généralement un cerf qui vous aperçoit il vous fuit, il ne reste pas à vos côtés, et ici je sentais une émotion entre lui et moi un lien et depuis la connexion est devenue encore plus intense entre les cervidés et moi-même, ils me sont très proches et très importants à mes yeux. Je souligne que grâce aux cerfs cette passion a grandi, surtout que ma vie a changé complètement, depuis l’âge de mes douze ans, je suis plus en forêt que nulle part d’autre.
Cette compréhension, cette fragilité, cette connaissance aux animaux sauvages et surtout cet amour envers la nature me sont venues très tôt. Lors de mes cours à l’école, lycée et à la fin de mon baccalauréat, je pensais tout le temps à passer mon temps à l’affût pour ne pas rater des instants inoubliables.
Le Nikon Z 6 II convient-il à vos attentes et vos contraintes ?
Avant l’achat du Nikon Z6 II, je travaillais avec deux boîtiers différents de chez Nikon. Mon boîtier de prédilection à ce moment-là c’était le D4, j’avais choisi le D4 pour le terrain hostile, pluie, boue, poussière, avec les dix images par seconde et cette qualité d’image, sa montée en iso m’avait bien satisfait pendant la période de 2017 jusqu‘à 2020. Le deuxième boîtier était le Nikon d800 pour cette qualité d’image et surtout pour sa netteté qui me permettait de fait de très grands tirages pour des expositions. Le seul point négatif des deux boîtiers reflex était leur bruit du déclenchement, cela me dérangeait énormément, car j’ai dû camoufler et prendre à chaque fois des antibruit pour le déclenchement avec moi et cela ne suffisait quelquefois pas encore sans que l’on entende le bruit du „ click“. Début de l’année 2021, j’ai choisi de changer mon boîtier, je ne savais pas encore quel boîtier, car ce n’était pas un choix très facile jusqu’à ce que la deuxième version des Nikon Z6 & Z7 sorte.
Depuis que j’ai le Z6II, j’ai pu faire des images et surtout des prises de vidéo en 4k que je n’aurais jamais pu faire auparavant. Ce boîtier m’a surpris par tous les bords, je connais très bien le matériel de Nikon, mais je ne m’attendais pas à cette perfection. Premièrement, plus de bruit de déclenchement ensuite les 14 images par seconds, une qualité d’image étonnante en faible lumière, un autofocus très rapide et précis, et puis un viseur électronique qui facilite la tâche pour une bonne fois.
Je dois dire que, c’est le meilleur boîtier à mes yeux pour la photographie animalière, il porte toutes les possibilités son côté, le seul petit souci c’est le temps de batterie, vu qu’il fait partie des Boîtiers Z de chez Nikon, il consomme beaucoup de batterie surtout si on veut faire de la vidéo, il faut surtout avoir assez de batteries avec soi pour de longues périodes d’affûts.
Quelles sont les optiques que vous utilisez et pourquoi ?
Mon optique de prédilection est le Nikon 200-400mm G ED VR II, pour moi c’est la meilleure optique pour les affûts en animalier. Je suis un grand fan des ambiances dans les images, une ambiance et un animal me font vibrer et pour cela j’ai choisi cette optique en 2017. Cette optique me permet beaucoup de variantes sur le terrain, par exemple si l’on s’approche d’un terrier que ce soit le blaireau où le terrier du renard, 200mm suffisent largement pour pouvoir faire de belles ambiances de la bête dans son environnement.
J’admire les images sauvages qui ressemble très fortement à la réalité et il est très difficile d’avoir des comportements des espèces menacées par la chasse en dehors de leur zone de quiétude, depuis toujours je fais mes images à l’intérieur des forêts profondes pour avoir le ressenti d’être proche d’eux et de pouvoir faire des clichés énormément privilégiés. Pour cette raison, cette optique me convient le mieux, car on a cette possibilité, je travaille avec 200,300 où 400 mm F4, ensuite si l’on a besoin de plus de millimètres, l’option téléconvertisseur existe, mais je l’utilise rarement.
Je pense que pour chaque espèce que j’ai photographiée jusqu’à présent, cet objectif suffit largement. Une philosophie que je partage beaucoup est celle de travailler sur soi-même, son approche, savoir lire des traces et des signes, faire des affûts sur des endroits stratégiques et je pense que si l’on connaît son espèce du mieux que l’on peut alors on n’a pas forcément besoin d’avoir beaucoup de millimètres. Il est plus important d’avoir une bonne luminosité, une bonne ouverture de son optique que d’avoir 600 ou 800mm qui comporte une faible luminosité.
Auriez-vous quelques conseils à donner pour les débutants qui souhaitent se lancer ?
Premièrement, pour tous les débutants dans la photographie animalière, il est primordial d’être en tout premier naturaliste. Pour éclaircir, je dis cela, car quelques fois on n’est pas conscient de notre trace dans l’environnement de l’animal, très vite on peut faire des dégâts, déranger seulement pour une image, il faut être conscient que quand on sort de chez soi, on rentre dans leur domaine et le plus important c’est de respecter leur tranquillité. Le respect envers l’animal est la première clef pour avoir de belles images, pour être honnête si l’on connaît les espèces on voit dans une image quand l’animal vous a aperçu et je pense que l’art dans ce domaine c’est d’être invisible à leurs yeux. Il y’a une phrase qui me suit à chaque moment quand je fais des images au milieu sauvage “Voir sans être vu“.
Un autre conseil c’est de le vivre intérieurement, il faut aimer les choses pour bien les faire. Je pense que les images réussies ne viennent pas au début parce que l’on ne connaît pas, au début on est aveugle et sourd à la vie animale, petit à petit votre vue et votre écoute s’adaptent aux terres sauvages. Il faut dire, que les animaux bien souvent ont un train d’avance sur vous, souvent ils sont plusieurs, ils sont à l’intérieur de leur environnement et nous entrons de l’extérieur à l’intérieur, ils sont à l’écoute et ils détectent rapidement.
La patience doit être une qualité de votre part, il faut se prendre le temps, il faut accepter que pendant des heures vous êtes avec vous-même dans un endroit qui vous est au début inconfortable, inconnu et pleins d’autres contraintes, mais si l’on aime vraiment d’être proche d’une bête et de pouvoir faire partie de leur vie, il faut trouver la beauté dans les moments inconfortables. La connaissance des animaux peut venir de beaucoup de lecture sur les différentes espèces, mais le meilleur moyen d’apprendre et d’évoluer dans ce milieu c’est de vivre le côté pratique avec le respect qui doit être obligatoire.
Quels sont vos projets pour la suite ?
Je suis en train de préparer trois grands projets pour l’année 2022, d’abord en février-mars je vais aller en France dans les montagnes du Jura pour la période d‘accouplement du lynx. Un des plus grands prédateurs de l’Europe.
Depuis deux ans, j’ai pour but de rencontrer cette espèce, c’est un prédateur qui me fascine, j’y suis allé deux ans d’affilées, la première fois je n’ai pas su le voir ni trouver des indices de sa présence. En 2021, j’y étais à nouveau en bivouac et j’ai eu la chance de tomber sur des traces assez rapidement, j’ai trouvé des indices de présence proche des falaises et j’ai trouvé des poils autour des troncs d’arbres ainsi que des griffures sur quelques arbres.
À l’heure d’aujourd’hui, je connais un territoire qui reste assez grand à couvrir, mais je pense que pendant la période d’accouplement la tâche se facilite un peu, la beauté dans tout ça c’est que rien n’est garanti. Plus tard dans la période estivale, je vais me rendre sur la frontière entre la France et l’Espagne pour l’ours dans les Pyrénées, en me documentant, en filmant et en photographiant peut-être cette espèce. Je suis tellement en joie quand je vois que c’est possible d’avoir de grandes espèces à nouveau sur notre continent européen.
Vers la fin d’année, je vais essayer de suivre les traces du loup, il existe encore des endroits en France où le loup vit encore à l’état sauvage. Cette espèce me donne tant envie, car il est encore toujours mal vu par beaucoup de personnes, il faut militer et sensibiliser par des images, des vidéos et des observations pour faire comprendre qu’une harmonie entre l’humain et l’animal et faisable, cela dépend juste de la conscience et de l’envie de l’humain.
Bonjour, je suppose que toutes ces photos animalières faites avec un 200 mm sont faites avec un pied ? Merci