Depuis plusieurs années, le voyage et l’immersion culturelle occupent une place importante dans les photographies d’Alexandre Sattler. Son engagement autour de l’éducation et divers projets humanitaires le pousse à explorer le monde pour témoigner de sa richesse culturelle. Passionné par le mode de vie des Sadhus, qui coupent tout lien avec leur famille et ne possèdent rien, il partage avec nous le récit de sa toute dernière immersion parmi eux.
« J’ai rencontré mon premier sadhu en 2004 lors d’un voyage au Népal. J’ai été fasciné par ces hommes qui ont fait le choix de l’ascétisme, alors que dans mon environnement social, j’ai été élevé dans l’illusion d’un bonheur matériel. Depuis cette première rencontre, j’ai cherché à passer du temps avec eux pour mieux comprendre leurs croyances et leurs modes de vie. En 2014, avec l’auteur Eric Sablé, nous avons publié le livre « Sadhus, une société d’Hommes libres ». »
« Plus récemment, je suis retourné en Inde pour retrouver certains des sadhus au grand rassemblement de la Kumba Mela »
« La Kumba Mela est la grande fête des sadhus. C’est un moment extraordinaire où les babas de toutes tendances, de toutes les écoles viennent de l’Inde entière pour y assister. Des milliers de sadhus, parfois des centaines de milliers, s’y réunissent. Ils défilent, échangent, font la fête et s’affrontent. Des millions de curieux viennent assister au spectacle. »
« La Kumba Mela se déroule alternativement et successivement tous les trois ans dans les villes saintes d’Hardward, de Nasik, de Prayagraj, et d’Ujjain. Soit un cycle entier de douze ans. Le moment de la fête dépend du ciel zodiacal. Il est fixé par des sadhus astrologues. La première Kumba Mela du cycle, celle d’Allahabad, a lieu lorsque Jupiter se trouve dans le signe du Bélier, inaugurant un cycle de 12 ans puisque Jupiter met 12 années pour parcourir entièrement le cercle du zodiaque. »
« La légende raconte que chacun de ces lieux est sanctifié par une goutte du divin nectar tombé sur terre. Un des mythes (il y en a plusieurs) raconte qu’un jour, la guerre que se livraient les dieux et les démons, les suras et les asuras, prit fin. Une paix fut conclue. Cependant, les deux partis voulaient tirer avantage de l’océan de lait dont est issue la multitude des êtres et des choses. Les dieux et des démons participèrent ensemble au barattage de la mer de lait qui permet de faire paraître les univers. »
« Cet exercice difficile se prolongea longtemps et un jour, la déesse Lakshmi apparut, bientôt suivie d’un vase empli de nectar. Les dieux et démons reprirent leur guerre pour la possession de ce nectar au pouvoir merveilleux. Comme la bataille prenait des proportions cosmiques, le Seigneur Vishnou vit qu’il était temps d’intervenir par une de ces ruses dont les dieux sont coutumiers. Il matérialisa une femme d’une grande beauté. Eblouis par le corps merveilleux de cette celle-ci, les démons oublièrent le nectar qu’ils convoitaient. Ils partirent à la recherche de la femme, laissant les dieux disposer du nectar. »
Qu’est-ce qu’un sadhu ?
« Les sadhus n’ont plus aucun compte à rendre à la société. Ils sont « morts au monde », et ils forment un univers parallèle avec ses propres codes. Ils fascinent et parfois font peur, mais ce sont en fait de véritables « clochards célestes ». Ces personnages étranges que l’on rencontre un peu partout en Inde, mais surtout dans les villes saintes et les lieux de pèlerinages, émerveillent ou bien troublent les voyageurs. Ils sont très reconnaissables. Ils portent souvent de longs cheveux nattés, à la façon des rastas, mais beaucoup plus longs et plus emmêlés. Leurs vêtements sont colorés en jaunes, oranges, rouges, et ils ne portent jamais de pantalon. D’autres sont presque ou même totalement nus (on dit « vêtus d’espace »), le corps recouvert de cendres en signe de renoncement. Ils portent de nombreux colliers, des bracelets de métal et des bagues. »
« Depuis l’origine, ils errent de lieux de pèlerinage en lieux de pèlerinage, en marchant sur les routes poussiéreuses de l’Inde. Ils vivent dans de petites cabanes ou sous des toiles sommairement fixées sur les bords du Gange, de la Yamuna, ou d’autres rivières sacrées, pendant la saison des pluies. Pour la nourriture, ils dépendent d’indiens pieux ou de temples. »
« Ces moines errants sont une composante essentielle de la société indienne. Il faut savoir qu’avant l’occupation anglaise, ces hommes qui n’ont rien, étaient plus respectés que les rois. Et nous pouvons nous interroger sur cette culture pour qui les personnes que l’on admire, ne sont pas les « bons citoyens », les individus respectueux des lois, comme dans les civilisations romaines ou judaïques, par exemple, mais des marginaux, des êtres qui échappent complètement aux règles de la société. »
FRanchement, c’est vraiment impressionnant, tant par le fond (et pourtant, les religions et moi…), que par la forme : des photos « à hauteur d’homme » que j’aurais aimé faire. Un très grand bravo pour ce magnifique travail !
Fantastiques photos. Maîtrise du cadrage et du portrait, Bravo