Illustrateur de formation, Stéphane Hette photographie les papillons, mais pas que ! Il a développé sa propre technique de prise de vue, avec pour préoccupation première, la préservation de ses modèles vivants. Nourri d’une insatiable curiosité et d’une passion intacte pour la nature qui l’entoure, il tente d’en révéler toute la poésie et la fragile beauté. Contrairement à d’autres, il explore une nature proche et ne voyage que rarement pour réaliser ses images. La démarche de Stéphane est claire et visible au premier coup d’œil : révéler le beau, tout simplement. Rencontre avec ce passionné de nature et d’images.
Pourriez-vous nous présenter votre parcours en quelques mots ?
J’ai fait des études d’art à Bruxelles et après une escapade militaire, qui a tout de même duré 7 ans, en 1998 je me suis installé comme graphiste illustrateur freelance. Rapidement j’ai réalisé des photographies pour mes clients puis des photographies plus personnelles… Pour finalement ne plus en réaliser pour d’autres que moi. Accompagné par Pascal Bourguignon en 2006, je suis allé montrer ce travail au Salon de la Photo. J’ai eu de la chance, mes images ont plu, du coup Canson m’a soutenu. En 2009, aux côtés de mon ami Guy-Michel, j’ai participé à la création du magazine de photo nature Nat’images. J’ai eu la chance d’exposer en 2013 à la MEP (Maison Européenne de la Photographie). Je suis l’auteur de 6 livres dont deux ont été également publiés en Chine et un troisième semble en lice. Je fais peu de concours mais par conviction je participe aux photographies de l’année qui récompense et promeut la photographie professionnelle, et à l’occasion au concours de Montier-en-Der dont je suis un voisin et où j’ai régulièrement exposé.
Comment décrire votre intention photographique ?
Je travaille sur des séries qui me prennent généralement deux années en moyenne mais le souci c’est que je ne me sais pas m’arrêter. Quand un truc me plaît, il me plaît pour toujours, alors je me retrouve à poursuivre l’ensemble des séries débutées. Cela fait donc maintenant plus de 15 ans que je photographie les papillons avec la même passion qu’à mes débuts. Mais je produis actuellement des images logiquement très différentes des premières.
Le principal attrait de la série réside pour moi dans le fait qu’elle t’oblige à réfléchir ton sujet, à te renouveler tout en gardant ta patte. Il faut aussi beaucoup te documenter pour savoir quoi photographier, quel(s) détail(s) mettre en avant, jeter également un œil sur le travail de collègues qui ont traité des mêmes thématiques pour ne pas être redondant. J’ai la chance, pour mon précédent sujet, tout comme pour le nouveau, de travailler avec Frédéric Hendoux, un ami botaniste qui pratique également la photo. Il me guide avant la prise de vue en soulignant les différentes parties que je dois photographier. J’aime situer ma production entre art, science et nature. Ce nouveau tome, Les fleurs amoureuses est d’ailleurs le fruit d’une coédition entre les éditions de la salamandre et le Muséum National d’Histoire Naturelle.
L’idée est toujours de montrer la nature comme œuvre d’art mais sans truquer les images. Il est essentiel dans mon discours de proposer une vision réaliste de ce que j’avais dans le viseur ; je ne photographie que ce qui est. De mes études de bande dessinée je conserve cette envie de raconter des histoires, les miennes sont naturelles c’est tout. Même si ma pratique nécessite évidemment de grandes connaissances des espèces je ne suis pas un photographe naturaliste, juste un photographe qui a choisi la nature pour unique sujet.
Comment parvenir à ce rendu esthétique si particulier ?
Je travaille toujours en mode manuel avec deux groupes de flashs SB 200 pilotés par un SB 800. Un groupe est chargé de l’exposition du sujet l’autre de surexposer le fond blanc placé derrière pour effacer les ombres générées par les flashs du premier groupe.
Je n’utilise pas de box car une lumière dirigée vers l’optique crée des halos autours des formes et surtout parce que cela génère une transparence qui n’existe pas normalement. J’utilise le plus souvent un « vieux » 60mm macro AFD dont le piqué est exceptionnel. Il me permet d’intervenir à la main dans la scène. Je peux par exemple déboucher une ombre en tenant un flash d’une main, bouger des éléments de décor. Une courte focale permet une grande profondeur de champ car je travaille communément au-delà de F/16 même si j’apprécie la douceur du D3X et du D800e à F/2.8.
Quel matériel utilisez-vous pour cela ?
Une dizaine de flashs SB 200 achetés au fur et à mesure, un kit r1c1, un 60mm micro Nikkor, un 50mm Zeiss F/2, des bagues allonges, deux boîtiers (D3x et D800e), et beaucoup de matériels de bricolage détournés de leurs fonctions, du papiers, des ciseaux, des loupes, des lampes à LED, de la ficelle, etc… Et bien sûr un fond blanc, soit le mur de mon bureau où j’ai fini par aménager un petit studio fort pratique, et sur le terrain un bout de Dibond préparé par mon copain, photographe, éditeur et tireur, Pascal Bourguignon.
Faut-il selon vous une connaissance solide de la nature pour pratiquer ?
Il est indispensable de comprendre ce que l’on est en train de voir, de comprendre et prévoir certaines réactions. Souvent les insectes qui montent le long d’une brindille décollent à son sommet. Le savoir permet d’anticiper l’envol et de déclencher avant que la bestiole soit hors cadre. Photographier des plantes et des animaux nécessite de les trouver, de les observer, et de les préserver avant, pendant et après la prise de vue. Pour des espèces fragiles et menacées, comme pour toutes les autres, il faut prendre soin de l’animal et de son biotope. Faire de la photographie m’a fait prendre conscience du rôle que nous pouvons jouer dans l’information et la prévention. C’est aussi pour cela que je me suis engagé aux côtés de l’OPIE depuis de nombreuses années.
Quelles sont vos inspirations ?
Formellement j’aime l’art asiatique, les estampes, l’ikebana et la calligraphie. La gestion des vides, la simplicité, les perspectives diluées, sans lignes mais faites d’une succession de plans et de fin dégradés me séduisent. Durant ma formation artistique je pratiquais un peu de photographie, mais c’est surtout les dessinateurs et les peintres qui m’inspiraient à l’époque. Un petit croquis de Ghislain Simard publié dans Chasseur d’images il y a une bonne quinzaine d’années m’a fait comprendre instantanément ce que l’on pouvait faire avec de la lumière.
Aujourd’hui ma principale inspiration est la nature. Les sujets y sont infinis, passionnants, foisonnants, leur apparente fragilité est un écho à la nôtre. Je sais qu’elle occupera le reste de ma vie. Que le temps me sera forcément insuffisant face à l’étendu de ce chantier si vaste mais cela ne m’effraye pas le moins du monde, bien au contraire.
Quels conseils donneriez-vous aux débutants ?
De prendre le temps de réfléchir, déclencher à tout va n’apprend pas grand chose. Souvent tourner autour d’un sujet avant de prendre sa photo permet de découvrir de nombreux points de vue. Comprendre le matériel, ne pas hésiter à poser des questions voire à s’inscrire dans un club photo, à consulter des magazines sur le sujet. Se souvenir que posséder le matériel dernier cri est sans doute un atout mais c’est le photographe qui fait l’image, pas l’outil. Cultiver son esprit et son regard et surtout mettre le plaisir au cœur de sa pratique.
Quel est le sujet de votre nouveau livre ?
La vie romantique et sexuelle des plantes, une suite à mon livre «les arbres amoureux» mais cette fois des amours plus près du sol. Le MNHN est co-éditeur avec l’éditeur suisse, la Salamandre, qui nous a commandé à Frédéric Hendoux et moi-même une série autour du monde végétal qui devrait compter 4 opus en tout et pour tout.
Quels sont vos projets pour la suite ?
Avec mon compère Marcello Pettineo, dessinateur naturaliste, nous poursuivons une série d’articles pour le magazine Nat’images (petit frère nature du magazine chasseur d’images créé avec la complicité mon ami Guy-Michel Cogné qui avait eut la gentillesse de m’associer à cette aventure il y a plus de 9 ans déjà). C’est un travail particulier qui mêle dessin et photographie au point parfois de les confondre. Pour cet exercice j’écris, je photographie, je mets en page mes images et les dessins de Marcello. Nous avons trouvé un bel équilibre de confiance.
Je lui demande tous les deux mois des dessins un peu dingues qu’il s’évertue à rendre plus fous encore tandis que ses dessins plus classiques viennent appuyer la narration. L’ensemble a un parfum de cabinet de curiosité où science et humour forment un cocktail que semblent apprécier nos lecteurs. C’est le prolongement naturel du livre 4m² de nature publié en 2014 chez Déclic Éditions et qui a fait l’objet d’une seconde édition chez Plume de carotte en octobre dernier. J’y avais associé mon épouse Cathy et un ami naturaliste de terrain : Emmanuel Fery. Je ne travaille uniquement avec des gens que j’apprécie, cela rend les relations et les échanges plus simples et puis je surtout je ne sais pas faire autrement.
Pour le volet purement artistique je collabore avec mes amis Marie et Patrick Blin qui diffusent mes photographies dans leur galerie parisienne. Ils ont d’ailleurs ouvert leur première galerie à Montfort l’Amaury en 2010 avec ma série Ukiyo’e, des photographies de papillons tirées sur toile Canson de 1m x 1m50. La vente de tirages d’art permet de faire voyager mon travail à travers le monde, accessoirement de gagner de l’argent aussi.
C’est une réelle satisfaction de constater que dans d’autre pays mes images sont également appréciées. L’occasion aussi de les valoriser dans un beau lieu, en grand format sur de beaux papiers. Les images n’existent que si elles sont vues c’est d’ailleurs l’opportunité de les voir en pleine nature que m’offre cette année l’association Les sentiers de la photo en exposant du 11 mai jusqu’à la fin octobre une quinzaine de mes photographies et celles de plusieurs de collègues et amis au Haut du Tôt. Exposer en extérieur c’est un peu voir ses images retourner à l’état sauvage…
Il y a également le festival de Montier-en-Der (du 17 au 20 novembre prochain) où j’aurai également deux expositions en extérieure. Une sur la reproduction des arbres (les arbres amoureux), la seconde sur les insectes Art of Butterfly. Enfin une troisième exposition, toujours dans le cadre du festival, dans un lieu atypique à souhait : Au Petit Paris, la maison de Marcel Dhièvre à Saint-Dizier où des planches grand format extraites du livre 4m² de nature seront présentées du 4 au 22 novembre.
Enfin j’ai quelques signatures prévues pour accompagner la sortie de mon nouveau livre aux Editions de la Salamandre : les fleurs amoureuses cosigné avec mon ami botaniste Frédéric Hendoux.
chapeau, sacré travail
Merci ! Amicalement Stéphane