Cette année encore, Cannes était l’occasion pour de très nombreux photographes de capturer des instants magiques en présence des plus grandes célébrités de l’univers cinéma. L’un d’entre eux, Anthony Ghnassia, vous propose de découvrir son expérience à travers une sélection de ses photographies, accompagnées par un texte rédigé sur mesure par la plume de Maude Harcheb.
« Dans la vie je suis un taiseux, plutôt discret, mes photos parlent pour moi, bien plus et bien mieux. Aujourd’hui je clôture mon douzième festival et j’ai la chance et le privilège de travailler pour et avec les plus grandes marques présentes à Cannes, j’ai la chance de pouvoir shooter les plus grandes stars de cinéma dans des conditions uniques, dans des lieux d’exception et avec une proximité rare. Mais parfois j’aime me sentir en danger, me remettre en question, changer de point de vue, sentir l’urgence de la situation, être dans l’inconfort, comme à mes débuts ! C’est là que je me teste : est ce que je j’ai toujours ce petit truc en moi, cette flamme, cette envie ? J’ai à ce sujet une petite anecdote sympa, concernant ma toute première photo du festival de cette année. »
« J’étais arrivé la veille, je me mettais tranquillement dans l’ambiance cannoise quand l’une de mes amies journalistes me dit qu’elle va couvrir la conférence de presse Magnum, une institution à Cannes, tenue par Bella Hadid et Alexander Wang. Elle me propose de l’accompagner sur la plage pour avoir de belles photos de près, à l’intérieur. Finalement, je décide de rester à l’extérieur, sur la fameuse Croisette déjà remplie de mes confrères postés un peu partout. Dans ces cas là, difficile d’obtenir un cliché « unique ». Malgré mon jeune âge, mes douze ans d’expérience du festival font la différence : je n’attend pas que Bella arrive, j’observe, j’analyse. Je remarque alors un homme chargé de la sécurité avancer en sens opposé à la plage, je le suis et me retrouve complètement détaché du reste des photographes. Quelques secondes après je me retrouve seul, nez à nez avec Bella qui sort de son véhicule. Mais en une fraction de seconde je suis déjà entouré de flashs de mes collègues qui crépitent de toutes parts. Re-observation, re-analyse de la situation : ce n’est pas comme ça que j’aurai LA bonne photo.
Je tente alors un petit coup de poker, je laisse passer Bella ainsi que tout le cortège de photographes qui la précède devant moi, je me retrouve ainsi seul dans son dos. Je crie, avec mon accent très frenchy : « Bella, over your shoulder ! » et… elle se retourne ! Shot, c’est LA photo ! Je remonte rapidement dans mon appartement pour la diffuser et quelques minutes plus tard, l’agence Magnum me contacte pour me demander l’autorisation d’utiliser ma photo. Le lendemain, ma photo avait fait le tour du monde et moi j’étais très heureux. Pas seulement parce que ma photo a plu, mais parce que je me suis prouvé que oui, j’avais toujours la petite flamme en moi, comme il y a 12 ans quand je n’avais encore accès à rien. Travail et persévérance sont les piliers de toute carrière. »
© AnthonyGhnassia/SIPA
« J’ai toujours préféré les sujets vivants aux mises en scènes posées, et en cela, le festival de Cannes est une mine d’or très stimulante pour moi car c’est un festival à la fois mythique, grandiose et imprévisible. Où que j’aille, qui que soient les invités, il faut toujours que je reste sur le qui vive, afin de ne rater aucun moment précieux, aucune interaction inattendue ou au contraire très attendue. Dans les soirées les plus privées, la liste des invités nous est toujours transmise le plus tard possible pour le bon déroulé et la sérénité des personnalités présentes et cela nous oblige à être très réactifs et attentifs en arrivant sur les lieux. »
« Cependant, même au sein de Cannes, son côté très inaccessible, codé et son rythme très soutenu, je reste un esthète, j’aime la beauté, même si cela ne veut pas dire grand chose au final. Je la cherche sans cesse, partout, même dans les soirées les plus fastueuses. La beauté d’un visage, d’une courbe, d’une ligne, la beauté d’un regard et parfois même d’une âme, la beauté d’un lieu, de ses pierres, la beauté d’un ciel nu ou habité du plus majestueux feu d’artifice. Les « belles » choses sont partout, tout autour de nous, rendant le champ des possibles de mon métier infini. C’est fascinant et passionnant. »
« De plus en plus, de jeunes photographes passionnés se tournent vers moi pour avoir des conseils. Quel matériel, quel réglage etc… Évidemment, la technique est un atout indispensable à la qualité de mon travail car je cherche toujours le réglage parfait pour chaque situation et je suis très exigeant avec moi même. Comme pour tout art, il y a différentes écoles, différentes mouvances, il y a des courants, des modes et ma technique est bien différente de celle d’un photographe qui 40 ans de métier de par toutes ces raisons.
Je suis encore très jeune, et il me reste tant à apprendre mais il me semble que la transgression de certaines règles pré-établies peut nous mener vers des choses intéressantes. Au final, en matière de technique pure, je dirai que voguer entre de bonnes connaissances de base et beaucoup d’expérimentation est la bonne chose à faire. Une chose est cependant claire pour moi : la technique est un outil mis au service de l’art ! »
« Le plus important pour moi c’est la vision. La façon dont on voit les gens, leurs émotions, les situations, le décor, et surtout la façon dont on perçoit l’instant. Dans n’importe quel endroit mon œil est attiré par certains détails, par une certaine perspective, pas forcément celle qui saute aux yeux en premier lieu. Après tout, que voyons nous ? Voyons nous tous les mêmes couleurs, les mêmes formes ? Qui peut dire ce que voit l’autre ? Ce qui, à mes yeux, rend le travail du photographe passionnant est sa manière de présenter le monde à sa façon, avec subjectivité, via SA vision. »
« Pour en revenir au festival, c’est un événement un peu « garde fou » pour moi. J’avais 16 ans à mon premier festival, je sortais de l’école et je n’étais accrédité nul part. J’attendais des heures entières devant les hôtels, des nuits entières en haut des plages où au pied des boîtes de nuits, dans l’espoir de pouvoir shooter une personnalité. C’était très dur et ingrat, mais avec le recul, cela a bien forgé mon ambition.
Mon parcours ne relève ni du miracle ni de la chance, j’ai petit à petit gravi les échelons ou monté les marches pour être plus Cannois. J’ai fait mes premières soirées accréditées sous la coupe bienveillante de SIPA deux ans après, et de fil en aiguille, j’ai eu plus de travail et plus d’opportunités. J’ai monté ma boîte et j’ai développé mon réseau clients d’années en années. Il y a bientôt trois ans, l’agence Getty m’a recruté et ouvert la porte des événements Cannois les plus prestigieux. »
« Tout ceci me rappelle comme le temps passe vite, ce temps que nous essayons de figer par notre métier de photographe. Une photo est un instant de vie infiniment court, qui n’existe déjà plus, mais qui pourtant demeure suspendu grâce au travail de tous les ouvriers et artistes de l’image. Dans chacune de nos photos réside un peu d’immortalité. Merci Cannes, et à l’année prochaine ! »
Matériel utilisé lors du Festival : Nikon D4s + Df avec 85mm1.4, 28-300mm3.5,5.6 et 14-24mm 2.8. Flash SB910
© AnthonyGhnassia/ Getty
Merci le mag.
Bravo pour ton savoir fière de toi bis
Bravo pour ces magnifiques photos, j’adore, j’aurais aimé les faire…
Vraiment magnifique !! J’adore particulièrement celle avec Bella.
Félicitation !