Découverte jeune talent : dans l’immédiateté avec Lucas Barioulet

Interview

Le Mag Nikon vous propose régulièrement de partir à la découverte de jeunes talents de la photographie. Après Thibault Copleux, Flora Metayer, Frédéric Monceau ou encore Jonathan Bertin, rencontre aujourd’hui avec Lucas Barioulet, photojournaliste en freelance qui couvre l’actualité pour l’AFP et d’autres médias pour informer et témoigner.

Camp de migrants, Quai de Valmy, juin 2018

Pourriez-vous nous résumer votre parcours en quelques mots ?

J’ai grandi à Angers, le nez dans les albums photos de voyage d’Afrique de ma mère. Inévitablement, dès qu’elle avait le dos tourné, j’en profitais pour lui piquer son appareil et photographier ce qui gravitait autour… A 18 ans , j’ai intégré l’Ecole Publique de Journalisme de Tours, où j’ai pris les rudiments du journalisme pendant 2 ans. Je suis ensuite parti vivre en 2016 à San Diego, aux Etats Unis, pendant un an, au moment de l’élection de Donald Trump. J’ai alors commencé à travailler sur différents reportages, autour de la crise migratoire à Tijuana.

Finale de la coupe du monde de Football au bar Le Carillon, le 15 juillet 2018

J’ai été formé à la radio, à la télévision et au texte, mais je me suis rendu compte que la photographie était pour moi le meilleur moyen de raconter toutes ces histoires. Je n’avais qu’un vieux 28 mm et 50mm, mais ça me suffisait, j’étais discret et léger, et avec mes 20 ans je passais partout. De retour en France, j’ai intégré pendant 8 mois l’équipe de photographe du journal Le Parisien. Aujourd’hui, je suis redevenu freelance. Je travaille en commande pour l’AFP, Le Monde et Le Figaro.

Brigitte Macron reçoit Melania Trump à Versailles le 11 novembre 2018

Que souhaitez-vous transmettre à travers vos photographies ?

Je pense que le plus important est de s’attacher à toujours raconter des histoires. Permettre aux personnes qui n’étaient pas là de comprendre, de ressentir ce qu’il s’est passé ce jour là. Une bonne image allie à la fois la forme et le fond, pour in fine transmettre une émotion.

C’est un métier fascinant, qui nous amène à rencontrer des gens de tous horizons. On peut commencer une semaine à l’Élysée, pour ensuite enchainer avec un reportage dans une usine, réaliser le portrait d’un écrvain et finir la semaine sur un terrain de rugby. Mais dans n’importe lequel de ces endroits, le but est de montrer la réalité telle quelle est, de documenter notre époque. En temps que journaliste, nous sommes des témoins. L’idée est, au delà de fournir des images aux médias d’informer les gens sur ce qui se passe a l’autre bout du monde comme en bas de chez eux.

Une famille au restaurant regarde passer une manifestation réclamant la légalisation des migrants sans papiers le 2 juin 2018

Quels sont les sujets les plus compliqués à couvrir et pourquoi ?

On peut penser rapidement aux affrontements et manifestations qui dégénèrent. Frondes, cocktails molotovs, tirs de flashball à la tête, scène de guérillas urbaines… Il faut à la fois regarder autour de soit, anticiper les risques et continuer à faire des images.

Manifestation gilets jaunes le 1er décembre 2018

Pourtant, je dirais que de mon point de vue, les sujets les plus difficiles à photographier sont les gens en difficultés, vulnérables. Il arrive parfois de photographier des sans abris, blessés, victimes, migrants… Imaginer que vous viviez dans la rue, après avoir quitté votre pays, sur les quais à Paris dans une tente en hiver et qu’un photographe s’approche de vous appareil en main de bon matin… C’est compliqué. Pour beaucoup l’appareil photo est intimidant, l’idée de se faire prendre en photo effraie. C’est alors une histoire de confiance réciproque, de patience. Il faut expliquer notre métier, tenter de se faire accepter et ensuite savoir se faire discret, se faire oublier. A ce moment là, ce n’est pas votre savoir faire de photographe qui importe mais plutôt votre savoir être.

Un jeune mexicain parle avec sa mère à travers le mur séparant le Mexique des Etats-Unis à San Diego, Californie, mai 2017
Camps de Roms, Bobigny, juin 2018

Ainsi, pour certains reportages, le plus difficile n’est pas de prendre une photo, mais d’accéder à l’endroit, de trouver le sujet et de se faire accepter par ce dernier. Il faut ensuite travailler avec le court laps de temps qui nous est donné. Il faut s’informer sur la situation, écouter, comprendre, savoir distinguer le vrai du faux. A ce titre, Je me considère journaliste avant d’être photographe.

Bistrot parisien, Paris, aout 2018
Un vétéran visite la tombe d'un de ses camarades au cimetière de Vaugirard, mai 2018

Quel matériel utilisez-vous dans le cadre de votre métier ?

Dans mon sac, j’emporte toujours avec moi deux boîtiers Nikon : un D4s et mon  D750. Je trouve les deux boîtiers complémentaires. Le D4s avec sa solidité, ses 11 images par secondes, ses capacités de transmission et sa batterie et le D750, avec son écran orientable, sa discrétion et son poids plume. Niveau objectifs, je privilégié les focale fixes, légères et lumineuses. J’ai toujours avec moi mon 35 mm 1.8, et dans mes poches mon 50 mm 1.8 et un 24mm 2.8. Enfin, j’emporte toujours mon 70-200, focale quasi indispensable pour le reportage.

Coulisse du défilé Elie Saab lors de la Paris Fashion Week, mars 2019

Comment faites-vous pour répondre au défi de l’immédiateté de l’actualité ?

Aujourd’hui, à l’heure de l’instantanéité de l’information, Les médias cherchent à alimenter au plus vite leurs « live », leur pages sur les réseaux sociaux, leurs feeds, envoyer des notifications push à leurs abonnés. Faire un bonne photo d’un événement est important, mais encore faut il l’envoyer à temps pour qu’elle garde sa valeur. Depuis le terrain, nous pouvons transmettre directement son images en « Tag and send »,grâce au Transmetteur sans fil Nikon WT-5 branché sur le boitier. Connecté à un Mifi ( l’équivalent d’une petite box 3G ) dans ma poche, il envoie les fichier directement au desk, qui les légende et les publie en ligne.

Manifestations des gilets jaunes à Paris le 1er décembre 2018

Quelles sont vos inspirations ?

J’ai eu la chance d’avoir accès très tôt à tout un univers artistique, qui ne comprenant pas que la photographie. Peinture, Sculpture, cinéma, théâtre.. Partout, il y a des notions de composition, gestion de couleur, d’émotion et de cadrage à tirer. Ca permet aussi de nourrir son œil, l’éduquer.

J’ai toujours été très marqué par la photographie sociale du début du 20 siècle.Lewis Hine et son travail sur le travail des enfants aux Etats Unis, Les portraits d’amérindiens d’Edward S. Curtis, « Les Hommes du 20eme siècle » d’August Sanders…. Je reste fasciné par le fait que ces sujets et des photos restent, près d’un siècle plus tard, toujours d’actualité.

Manifestations des gilets jaunes à Paris le 1er décembre 2018
Manifestations des gilets jaunes à Paris le 24 novembre 2018

Quels conseils donneriez-vous aux personnes qui souhaitent se lancer en reportage ?

Etre bon photographe techniquement ne suffit pas. Il faut savoir développer ce que l’on appelle une écriture photographique, un style reconnaissable, une manière de photographier ses sujets qui permette de sortir du lot des centaines de photoreporters aujourd’hui. Cela peut être par le choix des sujets, le matériel utilisé (argentique, chambre voir même iphone). Et cela se cultive, en s’informant et en se questionnant sur le monde qui nous entoure, et pas uniquement se limiter à le photographier.

Je pense que la débrouillardise, l’anticipation et l’adaptation sont des qualités aussi, si ce n’est plus importantes que le savoir faire technique ou la gestion de l’éclairage. Enfin, avoir une solide culture de l’image me paraît essentiels. Comprendre pourquoi cette photo est historique, pour cette image est restée gravée dans la tête de millions de personnes..

Prix Diane Longines, Chantilly, juin 2018
Cote des Basques, Biarritz aout 2018

Quels sont vos projets pour la suite ?

Je suis en train de planifier plusieurs reportages en France et à l’étranger. Je commence également à travailler sur es projets plus magazines au moyen format argentique, ce qui change radicalement la manière d’aborder et de photographier un sujet. Tout cela en gardant un œil sur l’actualité, qui bien souvent dicte notre emploi du temps.

Jungle de Calais, janvier 2018
Prix Hermes au grand palais le 24 mars 2019

Vous aimez cet article ? Prolongez votre lecture avec la rubrique « Interview » du Mag.

Lucas Barioulet

Lucas Barioulet

Photographe français basé à Paris, il est diplômé de l'Ecole de Journaliste de Tours et San Diego State University.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

  1. Bellon dit :

    Découverte d’un grand photographe qui sort du lot . Il est bon partout , une belle carrière s’annonce , bravo