Photographe professionnel et globe trotter, Laurent Moreau sillonne le monde depuis de nombreuses années. Ses nombreux voyages l’amènent très souvent à vivre en immersion auprès de minorités ethniques où il s’intéresse particulièrement aux traditions et cérémonies. Découverte.
Il est tombé dans la photographie de voyage très jeune. Tout d’abord comme spectateur grâce aux photographies anciennes en sepia de son grand père, réalisées lors de voyages en Afrique, puis en tant que photographe après avoir reçu à l’âge de 11 ans , son premier appareil, un Instamatic, « pour ceux qui s’en souviennent » plaisante-t-il. Laurent s’est d’abord essayé à différents styles photographiques, de la photographie animalière à la photographie de scène en passant par le studio, avant de véritablement se sentir à sa place dans la photographie des peuples et des traditions. L’influence est alors venue de certains Steve McCurry et Sebastiaõ Salgado.
« Steve McCurry, c’est le premier photographe qui réellement a eu une influence sur moi », se souvient-il. « Je trouvais qu’il faisait à la fois des photos de voyages et des photos esthétiques. A la base j’ai quand même une culture de peinture, du coup l’esthétique tient une place importante. j’ai trouvé chez McCurry, ou chez Salgado, des photographies qui me faisaient rêver et qui étaient, à mon sens, jolies. Avec ces deux influences j’ai pris conscience que l’on pouvait réellement prendre des photos de voyage qui soient belles et dont le but est de mettre en valeur les personnes photographiées.»
C’est peu dire que Laurent Moreau a le virus du voyage avec plus de 70 pays visités sur 5 continents. Son but toujours présent lors de ses différents voyages est bien de magnifier les gens et les endroits dont il témoigne. Et pour atteindre cet objectif, il effectue un gros travail de préparation, chaque voyage c’est d’abord deux à trois mois de préparation. « J’aime bien avoir une approche extrêmement variée, il faut trouver plusieurs guides qui parlent chacun le dialecte du peuple chez qui je me rends. » Et une fois sur place, Laurent Moreau vit en immersion complète au rythme des peuples racines qui l’accueillent.
Cette approche est fondamentale dans le travail du photographe. « Je suis tout à fait conscient que dans la photographie il y quelque chose qui est de l’ordre du cadeau, quand quelqu’un m’autorise à prendre sa photo, cette personne me fait réellement un cadeau ». C’est également cette relation que recherche le photographe et qui lui permet de réussir des photos authentiques. Il regrette la tendance à la contamination mercantile de la photographie, « je ne conçoit pas de payer pour une photo et aujourd’hui il est de plus en plus commun de se retrouver dans ce genre de situation, aujourd’hui en Ethiopie par exemple il est quasiment impossible de faire des photos sans payer, et je le regrette. »
Le choix des voyages et sujets se font souvent en fonction d’un amour particulier pour les médecines du monde et les rituels. « Les cérémonies et les médecines traditionnelles me fascinent, j’ai passé beaucoup de temps en Afrique autour du Vaudou, de l’initiation, des danses guerrières, des cérémonies funéraires mais aussi au cœur de nombreuses cérémonies Chamaniques au Laos, en Equateur ou plus récemment en Indonésie. »
Toujours dans cette tendance de mondialisation, ces traditions disparaissent petit à petit, et la photographie de Laurent Moreau, a pour fin non seulement l’esthétique mais également un devoir de témoin et d’ethnologue. Cette conscience bien marquée de l’importance d’enregistrer pour la postérité ces traditions, qui sont des traditions orales, et qui malheureusement sont en train de disparaître en même temps que se développe la mondialisation, est au centre de son dernier et actuel projet : Héritage médecines traditionnelle des peuples racines.
L’essence de ce colossal projet est justement de contrer la disparition imminente de ces pratiques et de ces savoirs uniques. L’axe de ce projet pharaonique qui inclut les 5 continents porte sur un patrimoine immatériel de l’humanité qui est en train de se dissoudre et sur la façon de le préserver par l’image. L’Organisation Mondiale de la Santé elle même encourage et soutient la préservation de la médecine traditionnelle car les gens n’ont pas accès à une médecine occidentale onéreuse et surtout ont une pharmacopée locale à portée de main.
Le projet va bien au delà du simple documentaire car Laurent Moreau, grâce à l’enseignement de la photographie aux guérisseurs traditionnels, cherche à ce qu’ils préservent et conservent leurs savoirs immatériels de leur peuple par eux -mêmes et pour eux mêmes, dans la plus pure tradition d’ethnologie réflective (qui n’adopte pas un point de vue étranger). Dans un second temps le projet vise à permettre de partager les connaissances, celles que les guérisseurs souhaitent partager, sur une plate forme internationale présentant un inventaire des médecines du monde avec un accès spécifique aux chercheurs et professionnels, différent de l’accès public.
Le premier opus de ce projet documente les guérisseurs Taneka au Nord Ouest du Bénin, mais Laurent Moreau prépare déjà le second volet. Il revient tout juste d’un long voyage en Indonésie, et plus particulièrement à Siberut, en face de Sumatra, où il a eu le privilège de passer du temps avec la tribu Mentawaï, et avec un vieux chaman en particulier. Le photographe et le chaman de 80 ans révolus partagent la même inquiétude de la disparition du savoir traditionnel car les enfants du chaman ne souhaitent pas reprendre le flambeau et par conséquent sa tribu se retrouverait sans guérisseur.
C’est également dans cette optique qu’intervient la vidéo. Pour Laurent la vidéo est de plus en plus présente dans ces projets car elle permet de restituer l’ambiance de ces cérémonies qui le fascinent d’une autre manière avec du mouvement et du son. Sans renier la photographie, les deux médiums se complètent et lui permettent de rendre compte d’une façon plus juste ce qu’il documente aux quatre coins de la planète.
Après plusieurs années passées chez Gamma, Laurent Moreau fait désormais parti de l’Agence Hemis, spécialisée dans la photographie de voyage et dont font également parti Yann Arthus Bertrand et Reza pour ne citer qu’eux. Le projet Héritage médecines traditionnelles des peuples racines est en cours de réalisation et suscite beaucoup d’intérêt autres de différents ministères et institutions internationales.
De très belles photos, des couleurs et des cadrages saisissants. Mais quel dommage, aucune légende, aucune explication accompagnant chacune de ces superbes clichés qui nous aiderait à comprendre de quelles traditions il s’agit et en quoi elles sont menacées.
Bravo à Laurent pour ce projet qui dépasse le simple geste photographique. Sur Nikon Club, il y a aussi quelques galeries qui témoignent de cet humanisme dont nous avons tant besoin alors que la mondialisation et les rouleaux compresseurs économiques sembleraient imposer un modèle unique.
Préserver ces savoirs, ces autres voies – ou voix – est une tâche noble qui nous enrichit tout en nous appelant à la vigilance et au respect des autres.
Merci pour ce partage.
Mon frère bon boulot,je t’encourage et je souhaiterais marcher sur tes pas.
Très beau reportage,et instructif.
On dit que le voyage forme la jeunesse et pour le photographe , il assouvie la photo et l’envie de se cultiver ; cultiver sa curiosité dans le bon sens du terme.
Merci beaucoup pour ce partage.
Cordialement.
Mathieu kutschenritter
J’aime beaucoup l’approche et suis fasciné par la qualité du résultat : de très belles images, chargés d’émotion, d’authenticité …