Nicolas Prègre est adepte du photoreportage. Voyageur dans l’âme, il a entrepris un tour du monde au cours duquel il a capturé des moments de vie pris sur le vif, essayant toujours d’être au plus proche de la réalité à travers ses clichés. Focus sur son travail, sa vision de la photographie et ses ressentis.
Dans un premier temps, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur vous, ainsi que sur votre travail ?
Pour me présenter en quelques lignes, je suis de région parisienne, où j’ai grandi avec mes parents et ma sœur avant de suivre des études d’ingénieur aéronautique. J’ai ensuite travaillé dans le sud de la France, avant de partir voyager un an à travers le monde. Depuis bientôt deux ans maintenant, je vis et travaille en Espagne à Aranda de Duero pour un fabricant français de pneumatiques (le suspens reste entier), m’occupant de projets industriels et de suivi de la production.
Comment votre passion pour la photographie est-elle née?
Cette passion pour la photographie, je la dois certainement à mon père dans un premier temps, qui m’a permis d’avoir un petit appareil compact entre les mains dès mon plus jeune âge. J’y ai rapidement pris goût, ai été facilement séduit par ce mélange entre technicité et créativité, et par ce pouvoir que permet la photographie, celui de raconter tant de choses à travers une seule image, aussi “réussie” soit-elle. J’ai eu la chance d’avoir des parents dont l’activité a fait que voyager a toujours occupé une place importante de ma vie au point de partir, en 2018, un an à travers le monde, développant d’autant plus cette passion pour la photographie, cette passion pour les personnes et leur histoire. Tant de fois, la photographie m’a «obligé» à aller au contact des gens, a permis des rencontres qui n’auraient sans doute jamais eu lieu sans un appareil photo entre les mains.
Vous capturez beaucoup de moments de vie qui semblent être pris «sur le vif», comment décririez-vous votre processus créatif ?
Je ne sais pas si j’ai un processus créatif qui m’est propre, mais «Sur le vif» est ce qui se rapprocherait de l’idée que je me fais de la photographie. J’aime capturer des moments de vie aussi simples soient-ils, et c’est pour cela que la rue est mon terrain de jeu favori.
Si j’ai évidemment en tête certaines photos que j’aimerais réaliser, mon processus créatif est très simple, celui de sortir, appareil photo à la main, sans avoir idée des images avec lesquelles je vais rentrer. J’aime me laisser surprendre par ce qui m’entoure et à avoir une idée bien trop précise de ce que l’on veut photographier, on en oublie de se laisser émerveiller par les choses les plus simples (du moins en ce qui me concerne).
Je me considère simplement comme un témoin de ce qui m’entoure, et c’est pour cela que j’affectionne particulièrement la photo «reportage».
Il m’est arrivé de faire des séries reportages (pour une Association d’aide aux sans-abris, pour l’EHPAD où est mon grand-père), et dans ces seuls cas j’avais évidement une petite idée du rendu que j’attendais. La partie que j’apprécie le plus est ce lien éphémère qui se crée lorsque j’arrête quelqu’un dans la rue pour réaliser un portrait (de manière absolument aléatoire, ou selon des critères que même moi ne saurais définir). Quand la personne accepte de se prêter au jeu en me laissant rentrer dans sa petite sphère privée le temps d’un instant, c’est toujours un moment spécial, et une histoire de plus à raconter.
Mise à part la prise de vue, j’aime regarder sur le moment ou en rentrant chez moi la photo que j’ai réalisée et me dire « génial, c’est exactement ce moment, cette expression, que je voulais capturer ». En ce qui concerne la retouche, j’essaie d’être plutôt minimaliste même si j’apprécie le fait de retravailler les photos. Je me limite au recadrage, à accentuer certaines couleurs ou lumières, toujours dans l’idée de me rapprocher autant que possible de ce que j’ai réellement vu.
Que souhaitez-vous transmettre à travers vos photos ?
Ce que je souhaite transmettre à travers mes photos, ce sont des émotions, que la personne qui voit la photo ressente quelque chose, au point de s’imaginer l’histoire qui se cache derrière l’image. J’ai rarement une idée précise de ce que je veux transmettre, la seule chose que je veux, c’est retranscrire la réalité et essayer de dévoiler la beauté comme cachée des choses les plus ordinaires.
Pour cela, il n’y a souvent rien de mieux qu’un portrait, pris en pleine rue. J’aime les histoires, j’aime les raconter comme j’aime les écouter. J’aime que le spectateur me raconte l’histoire qu’il s’imagine de la personne prise en photo et ainsi de voir si ce que ça leur inspire est ce que j’ai ressenti moi en capturant cette image.
Je n’attends pas forcément que mes photos procurent un sentiment de joie, mais juste qu’elles ne procurent ne serait-ce qu’un frisson.
De manière beaucoup plus générale, c’est que les personnes voyagent ne serait-ce que le temps de quelques secondes.
Quel est votre meilleur souvenir de shooting ?
Le meilleur souvenir est un après-midi que j’ai passé dans un parc de Détroit. J’ai eu la chance, par pur hasard, de rencontrer une troupe universitaire en pleine répétition, du style de celles que l’on peut voir dans des films américains, se produisant avant les matchs de football américain. Cette troupe musicale, c’était celle du « Cass Technical School Marching Band ». Quelques minutes après avoir discuté avec Markita, la personne qui gérait tout ce petit monde, j’avais droit à une représentation privée, celle de dizaines de jeunes artistes, rien que pour moi. J’ai pu immortaliser ces jeunes en parfaite harmonie artistique avant de réaliser quelques portraits de certains d’entre eux, dont celui de Leaisha ci-dessous. Il s’agit de mon meilleur souvenir, non seulement pour le fait d’avoir eu l’occasion et la chance d’assister à ce show, mais également pour le fait qu’il s’agissait de Détroit, une ville qui a beaucoup souffert de ces aprioris qu’elle doit à ses années socialement et économiquement délicates.
Quel est votre objectif de prédilection ? Avec quel boîtier l’utilisez-vous ?
Je ne suis pas certain d’avoir un objectif de prédilection, cela dépend complètement de la situation dans laquelle je me trouve et souvent de mon humeur. J’aime varier, j’aime changer d’objectif pour toujours relancer un peu ma dynamique artistique.
A choisir, ça serait dans un premier temps le 28mm 1.4, qui correspond à quasiment toutes mes attentes et à ce que recherche dans la photographie, c’est à dire le contact, la proximité avec les sujets que je photographie, d’engendrer des rencontres qui me permettent d’ajouter une histoire, que moi seul connais, à chaque photo. C’est un objectif qui m’oblige à me déplacer, à aller au contact des personnes afin de prendre des portraits dans leur environnement. Dans des conditions de basse luminosité, il est formidable.
Un deuxième qui est toujours avec moi est le 70-200mm FL, et ce pour les raisons contraires au 28mm. Celui-ci, même si je n’apprends rien, est exceptionnel, tant par son autofocus que par sa construction. Il me permet de réaliser des photos lorsque je suis forcé de garder une certaine distance, que ce soit des photos de sport par exemple, ou des portraits dans le cas où je veux conserver une certaine discrétion pour conserver tout le naturel d’un visage ou d’une scène.
Le tout, monté sur un D750 ou un D800 qui m’ont toujours donné entière satisfaction.
Avez-vous des photographes de référence ?
Je suis admirateur du travail de photojournaliste d’Éric Bouvet, et de toutes ses années de carrière passées autour du globe à couvrir des conflits. Une autre source d’inspiration, plus qu’évidente, est le travail de Steve McCurry, qui procure toujours quelque chose de spécial. Enfin, j’adore le travail de Ben Staley, certes moins connu, et ses portraits réalisés au 28mm aux quatre coins du monde.
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2021 dans le Lot
Un superbe article avec de belles photos