Le projet « Marche Céleste » est un témoignage de plus d’un an d’immersions nocturnes en Forêt de Fontainebleau. Ce projet est né du constat et d’un bilan de la vie citadine du photographe Alexis Pichot : intense certes, mais bruyante, haletante, souvent essoufflée, parfois sourde et aveugle en face d’un originel délaissé ou oublié, pressenti comme de plus en plus nécessaire à redécouvrir. Il commente pour nous une sélection de photographies issue de ce travail.
« La forêt m’est apparue alors source possible de cette vie ancienne endormie, lieu de régénération physique et spirituelle évident. Dans ce rendez-vous avec moi-même et animé par l’exigence d’une expérience intense, j’ai désiré partir seul, et de nuit, à la rencontre de ce monde étrange et fascinant. Sylvain Tesson disait dans son Petit Traité sur l’Immensité du Monde :
« Apprendre à rester seul, pour vivre plus densément. » »
« J’ai alors pris conscience du poids pesant de notre passé culturel : il est rare de trouver une scène nocturne en forêt qui ne soit pas angoissante, voire menaçante. Lors de ces marches, s’est révélée une connexion grandissante avec la forêt puis le désir de rendre compte de mes perceptions de celle-ci. »
« Se laisser envelopper par l’ambiance nocturne, la présence sonore d’animaux, la végétation qui bruit à l’infini, la musique douce du vent faisant danser les branches. Tous mes sens étaient de plus en plus en éveil. L’ouïe en est le plus réceptif. Le regard vient ensuite qui s’habitue lentement à l’obscurité. Enfin l’odorat. Je me surprenais à capter des odeurs variées, parfois manifestement animales. Flairer sans voir : je retrouvais le sens premier d’un homme très ancien. »
Découvrez la vidéo « Marche Céleste »
« Dans ces dialogues amoureux nocturnes avec la nature, les cycles de la Lune exercent leur influence manifeste et prégnante. Le disque de sa lumière hypnotique arrête le temps alors que les clairs et les obscurs dansent une valse incessante. Les rochers emblématiques de Fontainebleau prennent alors l’allure de météores venus d’un autre monde de lumière. »
« Au fil de ces voyages au coeur de cette forêt-monde, je me suis approprié ces nouveaux repères, à chaque fois surpris d’éprouver un sentiment de bien-être grandissant. Nourri par sa puissance et envouté par les énergies qu’elle véhicule, la forêt, animée d’ombres et de lumières m’invitait à un rituel initiatique. Au sens premier et unique de ce mot. Initium, le commencement d’une autre vie. Ainsi ai-je réalisé ces images, reflets de ma forêt intérieure que je découvrais en même temps, architecture de mes propres énergies lumineuses. Créer au milieu de la nature est un acte de communion intime avec son environnement. »
« Cette expérience mystique basée sur ma rencontre directe avec les Eléments réveillait une autre connexion, celle avec le plus profond de mon être. »
« La forêt est une des incarnations les plus fortes de la nature à l’état premier et aussi un lieu de transition, un medium vers un autre état, pour celui qui s’y immerge. Nos vies modernes ont effacé, ou du moins oublié comme dit le Renard au Petit Prince, la notion de rite de passage; un temps de transmission fondé par une expérience forte, la nécessité d’une confrontation, d’une épreuve physique et morale porteuse de sens. »