Il est la mémoire vivante du sport mécanique en principauté : le 74ème grand prix de Monaco de cette année 2016 est le 46ème qu’il couvre ! Témoin privilégié de l’évolution du monde de la Formule 1, Jean-Marc Folleté est un des rares photographes non professionnels accrédité sur l’événement pour le compte de l’Automobile Club de Monaco. Fidèle Nikoniste, il a également connu les évolutions technologiques majeures qui ont jalonné les dernières décennies et facilité le travail des photographes…
Jean-Marc, comment avez-vous débuté la photo de sports mécaniques ?
J’ai couvert mon premier grand prix de Monaco à l’âge de 17 ans. C’était en 1970. Mon père connaissait le photographe René Maestri, qui a reçu un World Press Photo en 1964 avec une image du crash dans lequel les pilotes Eddie Sachs et Dave Mac Donald ont été tués aux 500 miles d’Indianapolis. René Maestri cherchait un assistant pour porter ses sacs. C’est lui qui m’a appris à cadrer, à mettre en valeur le sujet par rapport à son environnement. J’ai ensuite continué d’être accrédité pour la revue de l’Automobile Club de Monaco.
Vous n’êtes cependant jamais devenu photographe ?
Non, je n’ai jamais été diffusé en agence. J’alimente cependant la presse locale de temps en temps, sans en faire une activité.
Comment avez-vous vu évoluer le monde du sport automobile au fil de votre carrière ?
J’ai vu ce monde changer profondément, notamment du point de vue de la proximité entre les pilotes et le public. Aujourd’hui un véritable fossé s’est creusé, et malgré les moments officiellement consacrés à cela dans le planning du grand prix avec l’ouverture au public de la ligne des stands ou la parade des pilotes, le contact avec eux reste furtif. Le professionnalisme et les intérêts financiers sont à mon avis la source de tout cela.
Vous avez également vu les conditions de sécurité évoluer ?
C’est vrai, avant il y avait un danger permanent. Il y avait beaucoup de monde sur la piste, pas de grillage et moins de protection. Et pour autant, aucun photographe n’a jamais été tué dans un accident à Monaco. Quand on revoit certaines des images que j’ai faites au début des années 70, on se dit cependant qu’il était normal d’agir pour plus de sécurité. Mais c’est peut être allé un peu loin. Trop de sécurité tue le spectacle aussi. A Monaco la sécurité est nécessaire, d’autant plus que c’est un circuit en ville. En revanche, elle évolue au détriment de la convivialité de l’événement, et c’est dommage.
Quels ont été les moments forts de votre carrière ?
Sur le plan sportif, je me souviens de la victoire de Jochen Rindt en 1970 qui s’est jouée dans le dernier virage de la course alors que Jack Brabham avait mené toute la course. Il y a peu d’images du fait de course où la victoire s’est jouée. A l’amorce du dernier tour, Brabham avait une avance confortable sur Rindt. Tous les photographes s’étaient donc positionnés sur la ligne d’arrivée pour photographier le geste du vainqueur au drapeau à damier. Malheureusement pour lui, Brabham a fait un tout droit dans le dernier virage, et cela a suffi à Rindt pour lui ravir le trophée. Rindt sera sacré champion du monde cette année-là à titre posthume car il s’est tué quelques mois plus tard sur le circuit de Monza.
Je me souviens aussi de la victoire de Riccardo Patrese en 1982, sa première en Grand Prix de F1, à l’issue d’une course où tout s’est joué dans les deux derniers tours ! Prost qui a mené pendant presque toute la course, fait une sortie de piste au 74ème tour sur les 76 que compte le Grand Prix. Il laisse la première place à Riccardo Patrese, mais celui-ci fait un tête-à-queue au tour suivant. Pironi prend alors la tête mais il tombe en panne d’essence. Lui succède Andrea De Cesaris qui fait lui aussi une sortie de piste. Derek Daly prend le relais en tête et fait à son tour une sortie de piste. Et c’est finalement Riccardo Patrese, qui avait pu repartir après sa sortie de piste qui est le seul à franchir la ligne d’arrivée et remporte l’épreuve ! Epique !
Et enfin je garde en mémoire la course de 1984 qui a révélé Ayerton Senna. La course a été arrêtée à cause de la pluie au 32ème tour sur les 77 qui devaient être courus. Prost était en tête, mais Senna était en train de le remonter et n’était plus qu’à 7s du français. C’était la naissance d’un monument de la Formule 1.
Il y a aussi beaucoup de personnalités qui viennent suivre le Grand Prix de Monaco. Parlez-nous un peu de vos rencontres.
Il y a eu la présence des filles du Crazy Horse en 98 si j’ai bonne mémoire. J’ai eu la chance de passer un peu de temps avec elles et c’était très agréable. On ne reste pas insensible à ça.
Il y a eu Polanski en 1971, lorsqu’il tournait son film sur Jacky Stewart. Le film a disparu et a été retrouvé chez la société de production et il a ressorti le film il y a trois ans. J’ai une image où on le voit avec sa caméra dans les stands.
Quels sont pour vous les plus beaux points de vue qu’on peut avoir sur le circuit ?
Avant il y avait le virage du Tabac, mais le tracé de la course ayant évolué, il n’existe plus. Aujourd’hui il y a le virage du Casino ou la chicane à la sortie du tunnel, car on voit les voitures avec Monaco en fond, sans aucune barrières ni grillages. Il y a aussi le virage de Sainte Dévote où beaucoup de choses se passent généralement au départ. Avant le virage de Massenet on peut faire de belles images sur la bosse, mais il faut une longue focale.
On est cependant de plus en plus contraints par les ouvertures faites dans les grillages par lesquelles on peut photographier et que l’on doit partager avec les imposantes caméras de télévision.
Justement, qu’utilisez-vous comme matériel ?
Je possède un Nikon D800 et un D700, avec un 24-70/2.8, un 70-200/2.8, un 80-400 VR première génération, un 17-35 et un 28-300. Celui que j’utilise le plus souvent est le 70-200mm. Il n’est pas forcément nécessaire d’avoir une plus longue focale car on est toujours proche des voitures. Par ailleurs, il est important pour moi de contextualiser les images et de garder la notion de l’endroit. Le circuit dans la ville donne des images magnifiques !
Quelles sont les matériels que vous avez possédés avant ?
J’ai commencé en Nikon avec un Nikkormat dans les années 70 avec un 50 mm. Il fallait tout faire manuellement, l’exposition comme la MAP. Je faisais ma mesure de lumière sur ma main. Pour une voiture claire je sous exposais d’un diaphragme et pour les voitures sombres je surexposais d’un diaphragme. Je travaillais en noir et blanc et en diapos. On utilisait des pellicules de 180 ISO qu’on poussait à 400. On avait un taux de déchet important. On avait la surprise au développement. Pour la mise au point, il fallait tenir compte de la vitesse de la voiture. On faisait la mise au point en avance sur l’endroit où on voulait la voiture et on prenait un repère en amont qui nous permettait de déclencher au bon moment. J’ai eu ensuite plusieurs boîtiers, notamment le F90 qui a amené un grand changement pour moi : l’autofocus. La photo est devenue facile avec les boîtiers actuels. Il faut presque le faire exprès pour sortir une mauvaise image. Il reste qu’une bonne image, c’est avant tout un cadrage et une intention.
Quelles images retenez-vous de votre carrière ?
Il y en a plusieurs à vrai dire. Je me souviens d’une photo de Brabham en 1970 que je trouve très réussie par sa composition. L’image de Polanski de 1971, lorsqu’il tournait son film sur Jackie Stewart. J’aime beaucoup également une photo faite au D200 de Michael Schumacher au virage de la piscine. J’en ai d’autres plus spectaculaires, comme celle de l’accident de Grosjean en 2012 au premier virage, mais je n’aime pas l’idée de l’accident. La photo d’accident est un grand paradoxe pour moi d’ailleurs. Je n’aime pas ça mais je déclenche tout de même lorsqu’il s’en produit un. En revanche, ce n’est pas celles que je retiens en premier.
Serait-il possible aujourd’hui pour un jeune photographe de débuter comme vous avez débuté et quels conseils lui donneriez vous ?
Les conditions d’accréditation sont de plus en plus compliquées. Il y a de moins en moins de photographes autour de la piste, et de moins en moins de freelances. Il faut donc avoir les bons contacts en priorité et si possible être diffusé pour pouvoir se faire accréditer. Avant il y avait les photographes de news et les photographes de magazine. Le rapport a beaucoup évolué entre le nombre d’images prises et le nombre d’images diffusées dans la presse. Ce rapport induit que les images sont moins chères, et qu’il est plus difficile d’en vivre. De là le fait qu’on peut de plus en plus difficilement se spécialiser dans le métier.
Le nouveau Nikon D5, lancé récemment, était aussi de la partie et équipait le photographe de formule 1, Mark Sutton, durant les essais de début de saison. Nous l’avions suivi pour savoir ce qu’il pensait des performances du D5 et de ses optimisations.
bravo jean marc ala retraite on travaille encore salut dun vieux de la LTP jose