Green Urbex : le monde sans nous par Romain Veillon

Portfolio

À quoi ressemblerait la terre si l’homme disparaissait subitement ? Romain Veillon parcourt le monde pour photographier les lieux abandonnés. Il montre et détaille comment ils se dégradent et pourrissent, retournant petit à petit à la nature. Ces images fascinent comme les grands tableaux de ruines du XVIIIe siècle car elles reflètent notre propre finitude et la fragilité de nos civilisations, rappelant ainsi la nécessité d’une vie harmonieuse avec notre habitat, qui ne pourra résister longtemps à la pression écologique que l’Homme lui fait subir.

1 Olympus

Olympus

La centrale électrique de Kelenfold se trouve à Budapest et possède un trésor : sa salle de contrôle qui est probablement l’une des plus belles au monde. D’inspiration « art nouveau », elle est surplombée par une immense coupole qui laisse rentrer la lumière du jour et qui éclaire les différentes consoles. On dirait presque une sorte de vaisseau spatial. Tout en arrondi et en symétrie, c’est presque un temple fait en l’honneur de l’électricité qui a été construit. Une atmosphère un peu hors du temps semble s’échapper de cette pièce. Aujourd’hui, la centrale sert de décor pour des films du monde entier et peut se visiter lors de journées du patrimoine.

2 Aegidium

Aegidium

Avec sa décoration exubérante (escalier, miroirs, boiseries), le théâtre Aegidium est l’un des joyaux oubliés du centre de Bruxelles. Construit en 1905, il était auparavant appelé « Diamant palace » en raison des presque 6 000 ampoules qui ornaient la salle de danse. C’était un des hauts lieux de rencontre de la jeunesse bruxelloise. Passé de mode, le lieu périclite et c’est un religieux qui finit par le racheter. Repeint de façon austère, cela devient un lieu s’occupant de tisser des liens pour la vie sociale de la commune. L’ancien théâtre finit même par devenir une banque brièvement avant d’être finalement laissé à l’abandon de nombreuses années. Mais les rénovations ont déjà commencé et il devrait bientôt connaitre une nouvelle vie !

3 Constanta

Constanta

Se dressant fièrement sur la mer noire, le casino de Constanta semble s’être figé dans le temps et aujourd’hui, seuls les lustres qui restent suspendus dans les anciennes salles de jeux sont là pour rappeler ce passé glorieux. Le casino fut construit dans le plus pur style « Art-nouveau » : La façade est ornée d’une large baie vitrée en forme de coquille Saint-Jacques qui devient l’emblème de la ville. La noblesse de toute l’Europe se précipite pour découvrir ce bijou architectural. Ils viennent jouer, danser, boire, s’amuser et se montrer. De nombreuses fresques, peintures baroques et vitraux sont encore là. Après avoir servi d’hôpital durant la première guerre mondiale, le casino fut occupé par l’armée allemande lors de la seconde et subit de lourds dégâts. Sous l’occupation soviétique en 1947, le casino devient une maison de la culture, puis en 1956, le casino fut nationalisé et rendu au public. Après des travaux, le casino réouvre en tant que restaurant mais l’élite ne remit jamais les pieds là-bas. Les lieux se dégradent rapidement et le bâtiment devient dangereux. Malgré son passé luxueux, tous les projets de rénovation tombent à l’eau. Jusqu’en 2020 où la ville débloque enfin les fonds pour rendre son faste d’antan au Casino.

4 The stonecutters

The stonecutters

Cette incroyable verrière, surement la plus belle que je n’ai jamais vu, se trouve dans une loge franc maçonne dans le centre de la France. C’était la cuisine et le bar de l’ancien restaurant où les francs-maçons de la ville se réunissait quotidiennement. Sous cet impressionnant puit de lumière, on trouve d’ailleurs leurs symboles dans les vitraux. Le lieu est lié à la grande époque de l’industrie de la porcelaine. On peut aussi y voir plusieurs scènes de vie sur la peinture et la sculpture. Finalement abandonné, une banque aurait dû s’y installer mais les couts de rénovation étant trop élevés, l’immeuble resta inoccupé. Aujourd’hui occupé par une résidence d’artiste, le bâtiment attend toujours un nouveau repreneur qui lui redonnerait l’éclat qu’il mérite pour que le public puisse enfin le découvrir.

5 The fruit exchange

The fruit exchange

Après la première guerre mondiale, Liverpool devient vite le 2ème port le plus important du monde. En conséquence, une bourse de commerce aux fruits fut construite dans un immeuble du centre-ville. Il y avait deux salles d’enchère où s’entassait plus de 700 personnes qui se déplaçaient pour acheter des fruits venant du monde entier. Des entrepôts recevaient les fruits exotiques arrivant par bateau, puis un plateau élévateur les amenait au milieu de la salle pour que les acheteurs puissent enchérir dessus. Les boiseries sont d’époque comme les vitraux représentant des guirlandes de fruits. Une superbe coupole éclairait le lieu et permettait aux acheteurs de pouvoir examiner ce qu’ils allaient acheter. Ce lieu représente le développement et la croissance du commerce à Liverpool à la fin du 19ème siècle. Mais, le déclin des docks dans les années 70 touchèrent tous les commerces. La bourse s’est détériorée progressivement à cause des infiltrations d’eau. Malheureusement, un projet d’hôtel de luxe est dans les tiroirs ce qui nous ferait perdre l‘un des témoins uniques d’une autre époque.

6 La grande bellezza

La grande bellezza

Comme presque toutes les villas ou fermes que l’on peut trouver en Italie, il y a toujours au moins une pièce où le peintre de la région a exercé son talent. Comme souvent aussi, il a très peu d’informations sur l’histoire de cette villa perdue en Toscane. On ne sait pas non plus ce qui a conduit la famille qui occupait les lieux à laisser cette merveille à l’abandon. Il reste cette entrée unique peinte du sol au plafond. Avec cette cage à oiseau, l’artiste a choisi de représenter une sorte de trompe l’œil où les personnes à l’intérieur de la pièce se sentent en fait comme s’ils étaient sur un patio dehors en train d’admirer la vue. En espérant qu’une bonne âme décide un jour de restaurer cette merveille car il serait vraiment dommage de perdre cet ouvrage unique.

7 A la belle étoile

A la belle étoile

A la vue de cet atelier oublié depuis de nombreuses années, on imagine les milliers d’heures qu’a dû passer l’artiste devant son chevalet à composer et peindre toutes ses œuvres dont certaines sont encore sur place. La grande baie vitrée devait lui permettre de peindre des heures durant avec la lumière du jour à l’écart du bruit. Il y a un sentiment de sérénité et de calme qui se dégage de cette image. Reste à espérer qu’un jour, un nouvel artiste puisse un jour lui aussi y passer ses après-midi à laisser son imaginaire se balader sur sa toile.

8 Corps et âme

Corps et âme

Encore un manoir perdu dans un petit village dont l’histoire s’est peu à peu effacée. Reste quelques clichés dont le plus impressionnant, celui de la bibliothèque. Si les endroits abandonnés sont tristes par nature, être témoin de centaines de livres moisis par l‘humidité et le temps est toujours un crève-cœur pour les amoureux de littérature comme moi. Combien d’histoires, combien d’aventures ont été perdues à tout jamais là-bas. Tel un temple du savoir qui aurait brulé lors d’un incendie. Il n’y a plus d’espoir ici, ce qui nous rappelle notre responsabilité envers notre passé et notre devoir de transmission.

9 Buzludzha

Buzludzha

Curieuse histoire que celle de Buzludzha, OVNI perché à plus de 1 400 mètres d’altitude au sommet du mont éponyme. Inauguré en 1981, l’œuvre de l’architecte Guéorguy Stoilov est perdue quelque part en plein centre de la Bulgarie et demeure encore aujourd’hui une anomalie architecturale unique ainsi que le symbole d’une époque révolue. Conçu à l’origine pour devenir la salle de congrès du parti communiste (elle ne servit qu’en de rares occasions), sa construction fut en outre motivée par le souhait de commémorer la création du mouvement socialiste. La construction de Buzludzha accapara plus de 6 000 travailleurs pendant 7 ans et coûta 7 millions d’euros dont le financement incomba en grande partie au peuple bulgare. Le décor intérieur comptait de sublimes fresques et mosaïques dessinées par les plus grands peintres et sculpteurs du pays; et où figurait les grands thèmes chers aux soviétiques (révolution rouge, lutte du peuple, famille, et même conquête spatiale). On trouvait aussi une gigantesque coupole arborant le marteau et la faucille communiste accompagnés du slogan « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! ». Suite à la chute du communisme en 1989, le monument se retrouva abandonné et en proie aux pillards en tout genre. Depuis, Buzludzha se dégrade lentement mais surement en raison des intempéries et du vandalisme. Mais récemment, le gouvernement bulgare décida d’œuvrer pour sa sauvegarde et le rouvrir au public.

10 The lost canvas

The lost canvas

Situé en flanc de montagne au fin fond des forets noires allemandes, ce petit hôtel pour randonneur et touriste de passage ne possède aucun attrait architectural ou historique. Quelques anecdotes doivent exister du temps où l’on y passait la nuit avant de repartir mais difficile de les connaitre sans être un local de l’étape. Ce qui est certain, c’est que son isolement a un jour eu raison de sa survie. Laissé à lui-même, les intempéries ont lentement mais surement commencé à ronger le toit de l’hôtel. L’eau s’est infiltré et a accéléré le phénomène de pourrissement. Avec les années, ce qui était le mur banal d’une petite chambre lambda s’est transformé en véritable peinture. De la fougère a poussé sur une chaise tandis que l’on peut admirer des teintes de vert, bleu, jaune qui sont apparues au gré du temps, de l’humidité et de la pluie comme si la nature elle-même voulait créer une œuvre d’art.

11 Songe d'une nuit d'été

Songe d’une nuit d’été

La première fois que l’on observe cette ancienne serre complètement envahie par la végétation, on ne peut s’empêcher de penser à un monde apocalyptique d’où l’humanité aurait subitement disparu. Qu’est ce qui a pu se passer pour que cette serre devienne un vestige voué à disparaitre sous le lierre ? On peut y voir un memento mori, nous rappelant que toutes nos constructions sont éphémères et qu’au final tout retournera à la terre. Ou bien on peut y voir un avertissement pour nous pousser à profiter de l’instant ; ou bien tout simplement une raison de plus de protéger la planète sur laquelle nous vivons. En tout cas, c’est une image qui invite à la contemplation pour laisser s’enflammer notre imaginaire.

12 La chapelle au violon

La chapelle au violon

Avec son petit angelot jouant du violon sur le bord d’une colonne, cette chapelle est elle aussi une photographie où l’imaginaire prend le dessus sur le réel. Ce tapis de végétation envahissant ce refuge, ces scènes de vie religieuses sculptées dans des niches tout autour de nous et son atmosphère quasi mystique renforce ce sentiment. Il semble même qu’un chemin est apparu à travers les plantes pour nous pousser à marcher jusqu’à l’autel comme nous faire voir l’envers du décor. Désormais, le rêve est fini, la végétation a disparu, tous comme les débris éparpillés au sol et des filets ont été installé pour empêcher les pierres de tomber. Finalement, ce retour à la terre n’est pas inéluctable et il y a toujours une chance pour le salut. Et peut être qu’un nouveau chapitre s’ouvrira bientôt pour la chapelle au violon.

13 Nara Dreamland

Nara Dreamland

Construit en 1961, Nara Dreamland était situé à Nara au Japon. Son concept avait été imaginé par Kunizo Matsuo qui lors d’un voyage aux Etats-Unis avait été ébloui par le parc de Disneyland. Il entra alors en contact avec Walt Disney pour en créer la version japonaise. Malheureusement, certaines divergences artistiques et commerciales mirent fin au projet. Mais pas de la motivation du riche entrepreneur. Il décida alors de réaliser une copie de Disneyland en s’inspirant fortement de l’univers de son ainé américain. Le parfait symbole étant le château de la belle au bois dormant qui domine toutes les attractions du parc comme la fontaine ou le village de l’entrée. Me promener au milieu de ses attractions tout en les immortalisant reste un souvenir ancré dans ma mémoire. En particulier, ce grand huit où l’on a l’impression que la végétation est en train d’engloutir peu à peu les rails. Lors des premières années, Nara Dreamland connut un véritable succès, les japonais étant très friand à la fois de parcs d’attraction mais aussi de l’univers « américain » proposé. Mais la concurrence du parc Universal à Osaka et du vrai Disneyland à Tokyo qui avait finalement ouvert entre temps obligea Nara Dreamland à fermer ses portes en 2006. Démoli en 2016, seules quelques images et les souvenirs émerveillés d’anciens visiteurs font perdurer sa légende.

14 New Born

New Born

Construit durant le 13ème siècle et situé dans la Vienne, le château de la Mothe-Chandeniers passe entre les mains de nombreuses familles avant d’être transformé dans le style néo-gothique qu’on lui connait aujourd’hui vers 1870. Un bassin est même creusé tout autour de celui-ci pour le rendre encore plus unique. Très endommagé par un incendie en 1932, l’édifice se dégrade peu à peu et tombe en ruine malgré les tentatives de restauration des propriétaires successifs. Laissé à l’abandon depuis, seuls quelques promeneurs aimaient s’y aventurer pour contempler sa beauté. Pourtant, Il y a quelques années, le château de la Mothe-Chandeniers fut mis sous le feu des projecteurs. En effet, les associations « les Dartagnans » et « Adopte un château » ont proposé au public d’investir sur le modèle du crowfunding pour le racheter. Le château fut donc finalement sauvé par des milliers d’investisseurs du monde entier, montrant que l’engouement pour notre histoire et nos vieilles pierres est toujours autant d’actualité.

15 Last exit to nowhere

Last exit to nowhere

Connue sous le nom du « Tunnel de l’amour », ce chemin se trouve au centre de l’Ukraine et est devenue avec le temps une véritable attraction touristique. Cette ancienne voie ferrée désaffectée servait à fournir les usines de la région en matières premières. Une très dense végétation l’entourait, mais le passage assez lent des trains a permis de créer une sorte de tunnel naturellement. Plus on s’y aventure et plus les plantes et le foret sont présentes jusqu’à vous englobez et vous empêcher de progresser. Si la légende a voulu en faire une promenade romantique où l’on emmène son partenaire, la réalité est tout autre : c’est surtout devenu le repaire d’énormes insectes très agressifs qui font de cette balade un vrai calvaire !

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Romain Veillon

Romain Veillon

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  1. Antoine Rouxel dit :

    Un thème original et des images magnifiques, à la fois nostalgiques et pleines de noblesse.
    Et le livre est très tentant…

  2. Galinier Christophe dit :

    de très belles images avec beaucoup de détails