Les grands singes dans l’œil de Pierre Vernay

Interview

Pierre Vernay est un photographe spécialiste de l’arctique récompensé au Wildlife Photographer of the Year en 2010 que nous avions présenté il y a un an dans l’article « Pierre Vernay, chasseur d’aurores boréales » à découvrir sur le Mag. Récemment, il a eu la chance de partir à la rencontre des grands singes d’Afrique qu’il a pu observer de près ! Il n’a pas résisté à l’envie de capturer ces moments pour les partager avec nous, ainsi que quelques conseils utiles pour les photographes qui souhaitent tenter l’expérience.

Les grands singes dans l’œil de Pierre Vernay

Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?

J’ai 56 ans, je suis un photographe de nature spécialiste de l’arctique,  de l’Europe du Nord, et de la faune de la Loire où j’habite. J’ai une affection  toute particulière également pour l’Afrique noire, sa population, la savane, la brousse et la jungle où j’essaye de me rendre tous les 18 mois. Je travaille en Nikon depuis 1977. Avant j’empruntais le Nikkormat FT3 de mon père. Puis se sont succédés le FM2, le F801, le F4, le F5, le F6 puis le D2X, le D3, le D4 et aujourd’hui j’utilise un D5, un D810 et un D500.

Quant aux objectifs, je pars toujours avec mon 14-24 mm f/2.8, mon 24-70 mm f/2.8, mon 70-200 mm f/2.8 et mon 600 mm f/4. Quand les conditions de lumière sont pauvres, j’emploie l’extraordinaire 200 mm f/2.  Je suis photographe freelance, auteur de plusieurs livres sur l’arctique et membre de l’agence BIOSPHOTO.

Les grands singes dans l’œil de Pierre Vernay

Qu’est-ce qui vous a conduit à aller photographier les grands singes ?

Les gorilles des montagnes… C’est quelque chose ! Rien que leur odeur a quelque chose d’humain. Sans parler de leurs mimiques et de leur regard. En fait, c’était  un vieux rêve. J’avais peur de m’éloigner de mes sujets de prédilection et je suis davantage  parti  dans la peau d’un observateur que dans celle d’un photographe.  Je voulais vraiment voir des chimpanzés et des gorilles des montagnes avant que je ne sois plus en l’état de le faire (rires), car il faut beaucoup marcher pour aller à leur rencontre. Mais sur place j’ai été très vite rattrapé par l’envie de figer ces moments inoubliables et je ne suis pas resté longtemps à juste les observer. Je sais surtout aujourd’hui que ce ne sera pas la dernière fois que j’irai à leur rencontre… Mais la prochaine fois, je choisirai une période où l’ensoleillement  est rare…

Comment peut-on approcher les grands singes ? Faut-il des autorisations spéciales ? Une connaissance du terrain ?

En Ouganda où je me suis rendu, tout est très bien encadré. Les gorilles vivent en liberté dans le parc national de la forêt impénétrable de Bwindi. Ce parc est très surveillé par les rangers du UWA (Uganda Wildlife Authority ). Tous les matins, des pisteurs partent à la recherche des groupes de gorilles habitués à la présence des hommes et en informent les rangers du parc dans la vallée. Dès lors, de petits groupes de 8 personnes partent à leur rencontre. Mais ils faut parfois marcher longtemps pour les rejoindre.
Un permis de 600 euros doit être réglé à l’avance pour l’ensemble du trek pour s’offrir une heure chrono en compagnie des gorilles. C’est très cher, mais quand on voit le travail des rangers et de l’ensemble des fonctionnaires de l’UWA, on les paye bien volontiers. C’est ainsi que l’Ouganda a éradiqué le braconnage dans le parc. J’ajoute que pour les chimpanzés de la forêt de Kibale, le permis est moins cher (de l’ordre de 150 euros) et ne nécessite pas de connaissance particulière du terrain. Parfois ça grimpe, mais ce n’est pas plus dur qu’une randonnée dans les Alpes.

Les grands singes dans l’œil de Pierre Vernay

Comment préparez-vous une expédition de ce type ? Que faut-il emporter avec soi ?

Pour le trajet, il faut prendre un billet d’avion Paris – Entembe, via Kigali au Rwanda par exemple. Au préalable on aura choisi une agence locale qui se sera occupé de toutes les formalités d’entrée dans les parcs, de la réservation des lodges et de la mise à disposition d’une voiture fiable ainsi qu’un guide chauffeur compétent. Pour ma part j’avais  opté pour l’agence Kabiza wilderness que je recommande chaudement. Elles est tenue par un américain, Jon Blanc.
Il faut s’équiper de vêtements étanches pour résister aux intempéries mais aussi pour échapper aux insectes et aux rampants. Il faut prévoir aussi de l’eau et des barres énergétiques.

Les grands singes dans l’œil de Pierre Vernay

La première chose que l’on remarque sur vos images, c’est la profondeur et l’humanité qui se dégage du regard de ces grands singes. Comment se sent-on face à ces lointains cousins, par ailleurs très impressionnants ?

Je n’ai pas ressenti de peur particulière en approchant ces grands singes, même quand ils m’ont frôlé pour se déplacer d’un endroit à un autre. J’ai surtout eu le sentiment amer que l’homme a beaucoup détruit et fragilisé ces populations. J’ai également ressenti un bonheur très personnel de les avoir vu en liberté, ce que peut être mes petits enfants ne verront jamais .

Les grands singes dans l’œil de Pierre Vernay

Pour ce reportage, vous avez choisi de travailler avec un téléobjectif AF-S 300 mm f/4 PF. Pourriez-vous nous expliquer les raisons de ce choix d’objectif et de focale ?

Un conseil pour les photographes … Ne jamais partir avec des photographes ! Sur place, la compétition est rude pour avoir de bons angles de shooting sur les grands singes… La végétation est épaisse. L’enfer assuré ! Donc sur place, il faut pouvoir se déplacer facilement avec du matériel efficace et léger. Je voulais capter des regards et il me fallait au moins un 300 mm en complément d’un indispensable 70-200 mm. Avec le Nikon D5 qui autorise les très hautes sensibilités, je n’ai pas été gêné par l’ouverture plus modeste du 300 f/4 PF par rapport au redoutable mais plus encombrant  300 mm f/2.8. J’ai surtout gagné en confort ! C’est un objectif très compact, très léger et qui délivre de superbes images bien piquées !

Les grands singes dans l’œil de Pierre Vernay

Prolongez l’expédition en découvrant l’article « Pierre Vernay, chasseur d’aurores boréales ».

Pierre Vernay Portrait

Pierre Vernay

Photographe spécialisé sur l'arctique depuis 35 ans mais aussi sur la faune sub-arctique, les oiseaux... Je travaille régulièrement avec des magazines français et suis l'auteur de six livres sur l'arctique.

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