Le photographe Vincent Curutchet est un habitué des 24h du Mans, la célèbre course sarthoise bientôt centenaire. Il s’y est rendu cette année équipé du nouveau Nikon D4s et nous rapporte ses anecdotes et impressions sur cet évènement sportif incontournable.
« Le pilote est au maximum de sa concentration, il va prendre le relais et rouler de nuit pendant une durée comprise entre 1h30 et 3h. La tension est énorme et les retours au stand sont très importants : on peut y perdre les secondes acquises avec difficulté pendant des dizaines de tours sur la piste. Il ne faut perdre du temps ni sur les changements de pneus, ni sur le ravitaillement en essence, ni sur la sortie du pilote qui a fini son relais sans compter l’installation du nouveau pilote… Mais en endurance si la performance est importante, la régularité est en générale plus bénéfique à la fin !Avec le 35mm f/1.4 et le D4sc’est un régal. Je suis à peine à 1600 iso et la lumière des stands, pourtant faible me suffit amplement techniquement, il reste même encore une grosse marge ! »
Bonjour Vincent, peux-tu te présenter ?
Je suis un photographe de sport de 42 ans. Après une quinzaine d’années à l’agence DPPI, je suis maintenant indépendant.
Comment as-tu commencé la photo ?
Petit, j’étais fasciné par l’appareil de mon père, dont je me servais parfois. J’ai pu avoir un petit boitier semi-automatique, idéal pour démarrer « intelligemment » lorsque j’avais 10 ans. Après 1 ou 2 ans à m’amuser et à apprendre un peu (surtout grâce aux photos ratées !) j’ai mis ça de côté. Vers 17 ans, alors que je lisais pas mal de revues de sport de glisse et que les images me fascinaient, je suis tombé sur une pub pour le F4 de Nikon… je crois que je l’ai d’ailleurs toujours ! C’était la quatrième de couverture d’un supplément Magnum Photo paru dans Libération. L’objet m’a totalement hypnotisé et je me suis juré que dans l’année je m’achèterai un reflex pour faire des séquences. Ce ne fut évidemment pas un F4 et, à l’époque, avoir une cadence de 5 images/s était réservé au matériel pro donc intouchable…
Très vite, je me suis pris au jeu de la photo tous azimuts mais surtout de mes amis en skate et en roller, j’ai fait mes premiers pas en tirage noir et blanc comme tout le monde dans une salle de bain. Puis après le bac et un IUT d’informatique (jamais fini !) j’ai craqué et me suis lancé. J’ai fait l’école ETPA à Toulouse, puis suis monté à Paris pour chercher du boulot. Un ancien élève de l’école, Philippe Millereau était photographe à l’agence DPPI, je suis donc allé les voir et quelques mois plus tard j’étais engagé au labo… Petit à petit je suis passé Staff à l’agence.
Une image de nuit comme je les aime, simple et graphique. Il est 4h du matin environ, ça commence à être dur au niveau fatigue, et les voitures tournent inlassablement enchainant chronos sur chronos, on a le temps de se dire … « Ils sont vraiment dingues ! ». Il n’y a absolument personne autour de moi, je suis seul en bord de piste, qu’est-ce que je fais là ? me dis-je parfois. Ce genre d’image est une réponse et une sorte de récompense aussi. Je sais que je peux compter sur le matériel, dans ces conditions il ne fera aucune erreur. Si la photo est ratée c’est uniquement de ma faute, au 1/13e de seconde sur un déplacement rapide et inconstant (la voiture aborde un freinage) je me dois de la suivre parfaitement en filé. Il y a pas mal de déchets dans ces moment-là, mais jamais de la faute du boitier 🙂
D4S et 80-400mm
Quels sont les sujets qui te tiennent à cœur ?
Mes premiers sujets étaient déjà « sportifs » : figer une action rapide m’a toujours beaucoup plu, cela permet de montrer ce que le cerveau est incapable de mémoriser.
J’aime particulièrement la vitesse et l’eau. La voile, les sports mécaniques, mais surtout le grand air. Passer quelques heures ou bien plusieurs jours sur un bateau est toujours magnifique, parfois c’est très éprouvant, sans doute les conditions les plus difficiles que je connaisse pour bosser, mais elles restent mes préférées, il se passe quasiment toujours quelque chose et la lumière change très vite. Naviguer 24h permet d’avoir énormément d’ambiances totalement différentes entre elles, et très vite le reportage devient complet, comme au Mans…
La 3D me plait énormément aussi, et c’est encore une manière de contourner les sensations physiques, on voit des images totalement réelles spatialement, mais parfaitement fixes, on a le temps de s’y attarder, de se balader dans l’action comme si le temps s’arrêtait mais qu’on pouvait « toucher » le sujet … c’est déroutant et j’adore ça.
Tu es un habitué des 24h du Mans…
J’avais déjà fait les 24H plusieurs fois, mais dans des conditions différentes, ma mission était alors d’être totalement intégré à l’équipe Peugeot Sport, leur vie dans les stands, les ateliers, la Pitlane, des pilotes aux mécanos, en passant par les « grands chefs » … Je faisais finalement très peu de piste, mais beaucoup d’ambiances.
La course se termine dans 40 minutes, ceux qui sont encore en piste ont déjà réalisé une performance exceptionnelle ! Je prends un risque à ce moment de la course pour aller installer un puissant flash de studio dans les loges surplombant à environ 6 ou 7 m les stands. Ce n’est pas le moment de faire une erreur dans les stands pour les mécanos et tous les autres, tout le monde est un peu à cran, fatigué, et content aussi de sentir que la fin approche, mais ce n’est pas fini.
D4, 14-24mm et Bowens
Quel était ta mission cette année sur les 24h ?
Cette année j’avais deux missions. Je devais faire un reportage pour Nikon sur les 24h avec carte blanche aux belles images, ce qu’il y a de plus motivant bien entendu ! Mais je devais également couvrir la course pour l’ACO (Automobile Club de l’Ouest, organisateurs de la course) : le village, les marquages, les partenaires… Bref totalement à l’ opposé, et malheureusement hyper chronophage !
Photographier les 24h demande pas mal d’organisation, car 24h on se dit que c’est « cool » parce que c’est long, mais ça passe beaucoup trop vite ! Il faut être bien reposé car cette discipline porte bien son nom, l’endurance, sauf que pour les photographes, il n’y a pas de changement de pilotes… Le timing est important et comme choisir c’est renoncer, malgré la durée il faut faire des impasses.
Les belles actions du soir se font de telle à telle heure à tel endroit, idem pour le matin, et si on se dit, tient ça doit être joli de l’autre côté de la piste, il faut reprendre le scooter (pour les chanceux qui en ont un), sortir du circuit, en faire le tour, entrer au bon endroit pour faire l’image. La lumière est partie depuis longtemps et l’angle n’est peut-être pas aussi beau qu’espéré… on a perdu une heure avant de retrouver un angle intéressant. Bref c’est une course d’expérience aussi, connaitre ce circuit immense, ses accès, ses bons angles au bon moment.
Parfois on est à la limite de la sécurité en scooter pour perdre le moins de temps possible, le tout avec un 500mm monté avec monopode en bandoulière, un deuxième boitier qui pendouille et une banane pleine à craquer sur un 50cm3 poussif… bonjour le carnage si on tombe ! C’est à la fois très sympa car on fait une pause en roulant au grand air, dans la campagne, loin de la course et de son bruit, limite cheveux au vent. J’ai cru 10 fois m’être vraiment perdu tellement la route est longue pour aller d’un bout à l’autre à l’extérieur !
Dans les stands il faut être très vigilant, les voitures arrivent vite malgré les limitations de vitesses et tournent au dernier moment. En général les mécanos nous font bien sentir qu’il faut bouger si l’on n’est pas à la bonne place ! Toujours avoir un œil derrière soi est très important, il y a régulièrement des accidents. Anticiper les ravitaillements est nécessaire aussi, car on peut arriver au moment où la voiture part, et ne plus la voir avant 45 minutes voir beaucoup plus ! De plus, les changements de pilotes, de pneus ou le plein d’essence sont de véritables chorégraphies, plus on les connait, meilleur on est.
Dormir est optionnel. Cette année, vu mon cahier des charges j’avais prévu de ne pas dormir une fois la course lancée. J’ai été un peu optimiste car une fois le soleil levé j’ai vraiment accusé le coup et je suis allé me reposer une heure dans les bureaux de l’organisation. C’est peu mais suffisant pour reprendre le dessus jusqu’à la fin, à 15h le dimanche… mais ce n’est pas terminé ! Le temps du podium on est toujours « sur le pont ». Le vrai repos viendra plus tard.
Une image classique de podium où l’on voit la joie des vainqueurs et où il est impossible de manquer la déception des vaincus. Et même si un podium au Mans reste une grande performance, les pilotes ont beau être de vrais machines, sur le podium ils ne peuvent dissimuler leur déception, seul la bataille de champagne leur redonne le sourire. Au D4s et 80-400mm, l’arme idéale pour faire face à aux nombreuses contraintes d’un podium, où il faut alterner les vue larges et serrées et où changer de boitier peut souvent nous faire perdre un regard ou une expression.
Nikon Pro propose une assistance pour les photographes sur place. Que penses-tu de ce service ?
Avoir une assistance Nikon sur place est un vrai plus, tant pour le prêt de matériel particulier dont on a besoin et qu’on ne possède pas, que pour l’assistance réparation à la volée si on a un problème. Je me souviens d’une année ou j’ai cassé deux 24-70mm en un jour ! Le mien et celui que l’on m’avait prêté pour me dépanner. Heureusement ça ne s’est jamais reproduit, mais casser une des 3 optiques majeures à quelques heures du départ aurait été un énorme handicap sans l’assistance de Nikon sur place. Quel que soit le problème ils se plieront en 4 pour aider les photographes, du simple nettoyage de capteur au démontage en règle d’un boitier ou d’un objectif 500mm. Et même si on peut faire les 24h sans problèmes et sans avoir besoin d’eux si tout va bien, savoir qu’ils sont là en cas de besoin est psychologiquement très rassurant !
Tu as utilisé le D4s et le nouveau 80-400mm…
Le couple D4s, 80-400mm est assez impressionnant. Si l’on veut à tous prix être léger, mobile et très réactif c’est idéal, on peut passer des ambiances aux actions avec la même optique. Couplé à un deuxième boitier avec un 24-70mm, on peut même imaginer couvrir l’ensemble de la course sans rien d’autre ! Dans les stands, avoir une telle amplitude est parfait, on alterne portraits, détails, ravitaillement au loin ou vue générale, tout ça avec un Autofocus tellement rapide que parfois on ne s’aperçoit même pas que le point est fait !
Un fan d’Audi surement ravi encore une fois. Il flotte au milieu de l’or glané à nouveau par son team favori ! Il passera de longues minutes à remplir son sac à dos de ce butin symbolique.
D4S et 80-400mm