Les 24h du Mans, comme si vous y étiez ! Le photographe Adrien Clément (Xtrem Pics) a couvert cet événement majeur du calendrier du sport automobile. Il nous le raconte à travers le viseur de son D4s…
Pouvez-vous vous présenter et nous dire comment vous êtes devenu photographe ?
Je m’appelle Adrien Clément, j’ai 31 ans et je suis photographe autodidacte. J’ai commencé la photo il y a 6 ans comme photographe pour des DJ dans des boîtes de nuit parisiennes. C’était l’occasion pour moi d’apprendre et de comprendre la photo. J’ai commencé à photographier avec un Nikon D300, un objectif 24-70mm f/2.8 et un flash SB900. Entre temps, j’ai commencé à pratiquer la photo de sport sur des compétitions de karting. Au fil du temps, j’ai découvert sur internet des photos de courses auto/moto et j’ai tenté mes premiers accès dans ce monde. C’est comme ça que j’ai commencé à couvrir des événements comme les 24h.
Comment se passent les 24h du Mans côté photographe ?
C’est l’événement qui me tient le plus à cœur et que j’attends avec impatience tous les ans et c’est aussi la course d’endurance auto la plus populaire dans le monde. Depuis 3 ans, j’ai la chance de travailler pour cette course magnifique. Elle est à la fois très difficile pour les pilotes qui se relaient toutes les 3 heures, les mécanos et les ingénieurs qui passent 24 heures à être sur leurs gardes. Un boulot titanesque !
Pour moi le travail commence en début de semaine lors des vérifications techniques et du pesage; c’est une grande fête pour le public qui peut admirer de très près des bolides hors-normes. Le lendemain c’est la grande journée « pitwalk » : le public peut se promener dans la voie des stands du circuit pour admirer les mécanos et ingénieurs peaufiner les mécaniques.
A partir de mercredi, les choses sérieuses commencent : les concurrents partent en piste pour une séance d’essais libres accompagnée d’une autre séance d’essais qualificatifs. Pour les photographes, les journées sont longues car les « qualifs » se terminent à minuit. La nuit, nous traitons les milliers d’images prises dans la journée.
Le lendemain, on remet ça avec les essais qualificatifs qui définiront les places définitives sur la grille de départ. Après 24h de détente, c’est le grand jour ! La journée commence très tôt la mise en place du matériel afin d’éviter les embouteillages.
Pour le Warm up en piste, j’utilise des téléobjectifs (NIKKOR 400mm, 600mm et 800mm). Pour la pré–grille je prépare un monopode avec un D4S accompagné d’un Nikon 14-24mm f/2.8, ce qui me permet de prendre des photos au-dessus de la foule en plan très large. Cela me permet aussi d’obtenir une image assez forte de la voiture leader rentrant sur la grille, encerclée par la foule.
C’est à ce moment que la course commence pour moi car une fois les photos de la grille faites, j’enfourche mon scooter et pars me poster à un endroit stratégique pour saisir le départ.
La course partie, je reste 1 à 2 heures en piste et retourne dans mon bureau vider mes cartes et faire un tri global. Ce qui fait la particularité de cette course c’est le tracé qui passe en pleine forêt car lorsque le soleil commence à tomber, on assiste à des moments magiques : la lumière filtre à travers les branchages et dessine la silhouette des voitures. C’est à ce moment-là que la créativité se met en route.
A la nuit tombée, le stand constitue un grand terrain de jeu pour moi, surtout à l’heure bleue où le ciel prend une magnifique teinte. Quand les voitures rentrent au stand, je me précipite pour faire une série d’images en essayant de varier les angles. Je joue de la pose lente pour donner une dynamique à l’image et pour voir les mécanos en action changer les pneus de l’auto, ravitailler en essence, … Bref, ce sont des moments très intenses desquels on peut tirer des portraits très expressifs des pilotes en pleine concentration, des mécanos ou du staff.
Il y a beaucoup à faire en photo artistique : je ne cesse de penser au résultat final de la photo une fois post-traitée. Je termine par un tour sur le circuit pour réaliser des clichés en pose longue et pour saisir les jeux de lumières des phares des autos et du circuit.
Vers 3h du matin, la fatigue commence à se ressentir ; il est temps pour moi d’aller me reposer quelques heures, mais pas trop longtemps car à 4h30, je dois me lever pour la fameuse photo au Dunlop à l’heure dorée. Souvent, à l’aube, le spot sur le circuit est déjà envahi de photographes. Ils sont tous là pour saisir le moment magique de la lumière qui se reflète sur les carrosseries des autos avec comme arrière-plan un ciel orangé sublime.
Vers 13h, je prépare l’arrivée, la fatigue se fait ressentir mais on est tout de suite rattrapé par l’heure : à 14H59, il faut être en place pour ne surtout pas rater la photo des vainqueurs franchissant la ligne d’arrivée avec le drapeau à damiers. La tension redescend, la foule acclame son vainqueur, et il est temps pour moi de me mettre en place pour saisir les photos de podium des vainqueurs.
La course s’arrête là pour moi : il est temps de laisser place aux émotions et aux souvenirs de cette fabuleuse semaine.
Qu’avez-vous pensé du nouveau Nikon 300mm f/4 que vous avez essayé sur place ? Et du 800mm f/5.6 ?
Cette année, Nikon m’a proposé du nouveau matériel en test. Le nouvel objectif Nikkor 300 mm f/ PF ED VR est extrêmement compact et polyvalent comparé au 300mm f/2.8 que j’ai déjà utilisé. Il est peu encombrant, du coup plus facile à manier et d’une rapidité exceptionnelle couplé au Nikon D4S. Je l’ai beaucoup utilisé pour les détails et les photos artistiques. Il a aussi un piqué exceptionnel à pleine ouverture pour les portraits.
Vu la performance du D4S pour la montée en ISO, je n’hésite pas à monter jusqu’à 4000 ISO. Je n’utilise habituellement pas le VR sur mes gros téléobjectifs, mais là, j’ai testé le VR sur ce 300 mm et le résultat est bluffant : des images nettes au 1/25ème de secondes à main levée pour un 300 mm, ça ouvre beaucoup de possibilités !
Par la suite, Nikon m’a confié deux supers téléobjectifs : le fameux NIKKOR 400 mm f/2.8E VR ED FL E de dernière génération, équipé d’un nouveau système de stabilisation pour le sport et de lentilles en fluorine qui permettent de l’alléger considérablement. Cela permet de shooter à main levée. C’est un gros plus !
J’ai également testé le fameux NIKKOR 800mm f/5.6E VR ED FL et je dois dire que cet objectif et tout simplement génial : il m’a permis de réaliser des clichés en forêt, à des distances lointaines auxquelles je n’aurais pas pu avoir accès en temps normal. Son Bokeh est remarquable et, accompagné de son TC 1.2 dédié (télé-convertisseur), cet objectif passe de 800 mm à presque 1000 mm. Je vous garantis que vous pouvez shooter sans problème le casque du pilote à l’intérieur de l’auto, . Bien évidemment, une telle focale nécessite du doigté, tant pour le cadrage que pour la stabilité. J’ai enfin testé le Nikon D750, boîtier très polyvalent, moins encombrant et moins cher qu’un Nikon D4S. Il suffira amplement à l’amateur averti en quête d’images de facture professionnelle !
Quels sont vos conseils pour réussir des photos de sports mécaniques ?
Tout d’abord, si vous avez la machine qui le permet, shootez en RAW : cela vous permet de contrôler votre image complètement; vous pouvez rattraper une balance des blancs mal réglée, une surexposition ou sous-exposition ou adapter la saturation des couleurs a postériori. Vous pourrez aussi régler les contrastes, la luminosité et la netteté sans abîmer l’image. Ensuite, il ne faut jamais oublier de passer en Mise au point continue (AF-C) et de passer en 11 collimateurs pour faciliter la gestion de la zone de mise au point. Un autre conseil de base : ne pas shooter, en tout cas au début, à une vitesse inférieure à la focale. Par exemple, évitez de shooter au-dessous du 1/400 s si vous êtes à 400mm, ceci vous évitera un désagréable effet de flou de bougé.
Un autre détail essentiel : évitez de shooter à une vitesse trop élevée. Si vous shootez au 1/1000sec de côté, vous verrez les roues de l’auto figées, et donc la sensation de vitesse ne sera plus là… Pour les photos de nuit, vous pouvez vous permettre de monter en sensibilité. Nikon réalise des boitiers pros mais aussi amateurs très performants. Un conseil : shootez en RAW car cela vous permettra de traiter le bruit ensuite. Pour le reste, laissez votre oeil vous guider, et pensez à la photo qui fera la différence !
Avez-vous des projets photographiques en cours ou à venir dont vous voudriez nous parler ?
Je ne réalise pas seulement des photos de sport : je shoot aussi des paysages à travers le monde. Pour moi, le monde est un terrain de jeu immense où se cachent des endroits magiques remplis d’émotions. Je cherche continuellement des subventions pour continuer à payer mes voyages et ainsi nourrir ma passion. J’aimerais un jour organiser des voyages pour photographes, accompagnés de workshops sur les spots que je connais pour ainsi faire partager ma vision du monde.