Reportage de Caroline Grimprel, dans le cadre du Nikon Music Festival.
Choisir un thème photo au Festival des Vielles Charrues n’est pas chose facile car tout intrigue et peut être matière à photographier. Aussi je commençais par errer en quête d’inspiration, l’appareil à la main. Immédiatement, les festivaliers se ruaient vers moi afin d’être photographiés, chacun cherchant son meilleur angle.
Au détour d’un chemin, une équipe de retraités bénévoles ramassaient les papiers, le sourire aux lèvres. Lorsque je leur proposais de les photographier, ces derniers furent surpris et flattés qu’on puisse préférer leurs pinces et gilets jaunes aux tenues incroyables des festivaliers. C’est donc avec fierté et humour qu’ils prirent la pause. «On est les boulons qui font tourner une grosse machine» me dit une bénévole. Et c’était bien vrai, toutes ces petites mains cachées derrières les barrières et les comptoirs, sans lesquelles le festival ne pourrait avoir lieu, devaient être montrées. Leur humilité touchante et leur fierté de faire partie de cette équipe géante devait transparaître. J’avais trouvé mon thème.
Catherine, professeur de Latin et Français est bénévole au stand bières. Cachée derrière une poubelle peinte à la main, élément qui retenu en premier mon attention, Catherine prenait sa pause lorsqu’elle m’aperçut en train de la photographier. Très amusée que je lui trouve un intérêt photographique, elle rit aux éclats. « C’est bien la première fois que je fais modèle » me dit-elle.
De loin, je repère cette scène aux couleurs vives. Christian, stand saucisses, prend alors fièrement la pose tout en m’expliquant qu’il est « gynécologue animal, oui Mademoiselle! », ou inséminateur pour élevage. Riant de ma stupéfaction, je saisis ce regard amusé, bien que Christian, se sachant photographié, tenta de conserver son sérieux.
Cuisine du Catering, 14h, l’agitation est intense car il faut produire vite et en masse. Je désire me faire la plus discrète possible dans ce tumulte, et décide alors d’aller me dissimuler derrière un empilement de plats de tomates. Une ouverture improvisée entre ces derniers me permet d’extraire les visages sérieux et concentrés des bénévoles en plein rush.
16h, le soleil est toujours de plomb et la fatigue après le “rush” du déjeuner se fait ressentir chez les bénévoles. Les zones d’ombres se raréfient. Tant bien que mal chacun se repose là où il le peut. Les pauses sont courtes et doivent être récupératrices. Ici c’est une caisse de matériel qui sera choisie comme lit de fortune.
Dans chaque stand les bénévoles ont des rôles bien définis qui se complètent les uns les autres : ravitaillement, préparation, service…Une immense machine où chaque rouage est important. Le soleil commence doucement à se rapprocher du sol, tout le monde se prépare à une fin de journée chargée. Les ombres se croisent au rythme des échanges, j’en profite pour capturer cet instant furtif où les silhouettes se répondent.
35 degrés ambiant dans le stand, je me faufile près de l’action : une friteuse bouillante s’additionne au thermomètre, la porte du four s’ouvre. Le cadre se crée derrière cette vitre opaque. Tout y est : la chaleur, la concentration, le travail… le lien tissé depuis plusieurs jours avec cette grande famille de bénévoles apparaît dans cette vitre où mes lunettes et mon reflet se fondent dans l’instant.
Le Cow-boy du stand crêpe, remarquable par son style, discret par son attitude. Il ne sourit pas, concentré sur son action bien qu’il ait remarqué ma présence. Je souhaite saisir le mystère de ce personnage, observant les taches lumineuses évoluer sur son visage en mouvement. Un rayon sur son oeil concentré, un autre sur les étoiles de son mythique chapeau, je saisis cet instant magique, et laisse ensuite le Cow-boy poursuivre sa mission.
L’alignement de ces femmes de tout âge, très concentrées sur leurs tâches m’attire. Leurs gestes décalés dévoilent une chorégraphie rythmée par les artistes qui s’enchaînent sur la scène Graal. Pendant tout le festival, jeunes et moins jeunes bénévoles se mêlent, échangent et partagent. Les différences d’âges s’effacent lorsque le plaisir d’être là tous ensemble guide les actions et fixe les sourires.
La nuit est tombée, je continue de me promener dans les grandes allées “Backstage” du festival, lorsque ce jeu d’ombres et de lumières se dessine devant moi. Une foule assoiffée en attente, un homme en plein ravitaillement, une pause discrète derrière une bâche, je surprends alors ce tableau où les scènes de vie du festival se mélangent en un centième de seconde.
Dans mon aventure au gré des stands et des portraits des bénévoles, je fis mon apparition dans le stand Tartiflette. « Il faut que vous me voyez en action ! » me dit avec fierté cette jeune bénévole. Témoin de cette grâce presque picturale, je saisis avec plaisir tout le bonheur qu’elle avait à me montrer son travail et le rôle qu’elle tenait au sein de son équipe.
Dernier concert du jour, dernières lueurs, les bénévoles, comme ils le peuvent tentent de eux aussi profiter du spectacle en montant sur les marches-pieds des camions. Attirée par la composition marquée de ces blocs, soulignée par la raideur des statures, je suis également frappée par le contraste entre l’intense agitation de la foule que je viens de quitter, et le calme de ces bénévoles, prêts au départ.