A l’occasion du Salon de la Photo 2014, Nikon vous propose une série d’interviews exclusives de photographes professionnels. Entretien avec Roméo Balancourt.
La vie de Roméo Balancourt est une histoire d’ombre et de lumière. Insatiable chercheur d’émotions, il cultive, dans l’ombre, son besoin d’apprendre et de comprendre. La lumière, il la trouve au gré de ses rencontres, de ses inspirations puisées dans l’univers du cinéma et au fil de ses voyages, à Madagascar, pays de ses racines, à St Barth, ou encore dans les Balkans.
Entre ombre et lumière, cet artiste autodidacte tisse sa singularité. Ses portraits interpellent. Ils sont l’expression sublimée d’une rencontre entre son regard et une personnalité. « La technique n’est rien si vous n’avez pas compris qui se trouve en face de vous » ; telle est sa science du portrait.
Son parcours l’a mené d’une école d’architecture au studio Harcourt. Il a mûri son talent en forgeant inlassablement sa propre technique, notamment la lumière dont il est devenu un orfèvre. Les photos et la sensibilité de Roméo Balancourt rendent le monde plus beau, plus intense, plus vivant.
Qui êtes-vous Monsieur Balancourt ?
J’étais étudiant en école d’architecture quand j’ai eu, en quelque sorte, une révélation pour la photo… Passionné, j’ai tout appris en autodidacte. Après deux années de formation sur le terrain comme photographe reporter dans l’armée de Terre, j’ai eu la chance d’entrer en stage puis d’exercer comme photographe au studio Harcourt, le temple de la lumière.
Ces dix ans passés aux côtés de Pierre Anthony Allard, alors Directeur du studio, ont été une expérience exceptionnelle : ils m’ont permis de maîtriser l’art de l’éclairage et du portrait avec une infinie subtilité. Aujourd’hui, je travaille principalement pour de grandes maisons du luxe qui me sollicitent aussi bien pour du portrait, de la photo d’intérieur que du produit. Le Bristol Paris, Le Shangri-La, Dom Pérignon, Krug mais aussi Hermès Parfums continuent à me faire confiance après plusieurs années de collaboration.
Tes portraits montrent une véritable science de la lumière. D’où vient-elle ? Quelles sont tes inspirations ?
Le cinéma a toujours été pour moi une source majeure d’inspiration. Les dix années que j’ai passées au studio Harcourt m’ont permis d’acquérir cette technicité très cinématographique des portraits Hollywoodiens. J’aime également visionner et analyser des films à l’éclairage précis et rigoureux, comme Sin City par exemple. J’ai beaucoup travaillé pour adapter au flash l’empreinte caractéristique de la lampe Tungstène Fresnel en lumière continue. J’en ai fait ma signature.
Quelle importance a le matériel photo dans tes prises de vues ? Qu’utilises-tu habituellement comme boîtier et comme objectif ?
Il est capital de se sentir à l’aise avec les commandes sur le boîtier, molettes et programme interne compris. Je suis personnellement très attaché à Nikon. À l’armée déjà, nous avions des boîtiers Nikon F3 et j’ai naturellement continué à m’équiper en Nikon. Pouvoir passer d’une génération de boîtier à la suivante sans trop chercher ses marques est selon moi très confortable. Depuis le passage au numérique, des D200, D300, D700 jusqu’au D800e maintenant, ont défilé entre mes mains. Les objectifs qui ne me quittent pas sont le 105 macro, le 85 mm et un 17/35mm.
On dit souvent qu’un beau portrait doit refléter l’âme de la personne photographiée. Quelle est ta définition du portrait ?
Lorsque je réalise un portrait, j’observe d’abord, longuement, la personne, sa façon d’être, de se mouvoir, au-delà de ses simples traits physiques. J’essaie de saisir l’impalpable, à savoir ce qui émane d’elle. Selon moi, l’enjeu principal d’un portrait est de capter l’expression d’un regard. Tout se joue en une fraction de seconde ! Le portrait est sans aucun doute un art de la précision. Une image de la personne se dessine dans ma tête, image idéale en quelque sorte, et je fais tout ensuite pour que la photo soit un calque de cette image…
Comment dialogues-tu avec les personnes que tu photographies ? Selon toi, vaut-il mieux connaître la personne que l’on a en face de soi avant de la photographier ?
Chaque fois que c’est possible, je rencontre la personne à photographier avant la séance, afin de faire connaissance et d’initier mon travail d’analyse. Sa gestuelle sera rapidement moins empruntée et le naturel reviendra : c’est lui que j’attends.
J’aime discuter simplement. En tant que portraitiste, on se doit d’aimer l’Autre, l’humain. Pour qu’un portrait soit réussi, il est impératif de créer un moment de bien être. Le photographe doit parvenir à déceler d’éventuelles gênes ou réticences et trouver des solutions pour les lever le cas échéant. Mon objectif est de sublimer, pas de faire un état des lieux comme le ferait la photo d’identité.
Préfères-tu la lumière continue ou le flash ?
Les deux lumières sont vraiment différentes et ne se travaillent pas du tout de la même façon. Le flash est ce que j’utilise de manière quotidienne maintenant. Toujours resté fidèle à Profoto, les possibilités sont devenues infinies avec les dernières têtes autonomes B1. La lumière est cependant moins précise qu’au tungstène car même avec des modeleurs adaptés, le flash « bave » autour du point chaud.
Quant à la lumière continue, elle est toujours aussi magique lorsque l’on pose son faisceau sur un visage… Cette chaleur, cette lumière ambrée donnent une ambiance particulière dans un studio.
Quelle part tient le traitement d’image dans les portraits que tu réalises ?
J’ai eu la chance d’avoir fait mes gammes dans la photo argentique, je garde un souvenir fort de ces moments où je tirais moi-même mes images en chambre noire. Cela a éduqué mon œil et je m’en sers énormément avec les outils d’aujourd’hui. Cependant, hormis pour la photo d’actualité, je ne pense pas qu’une photo aujourd’hui existe sans retouches. Le numérique a sans conteste été générateur de progrès. Sublimer un portrait c’est l’alchimie de la lumière, de l’instant et de sa retouche. Enlevez un de ces éléments et votre trépied ne tiendra pas debout.
Quels conseils de départ donnerais-tu à quelqu’un qui devrait réaliser son premier portrait ?
Eh bien je lui dirais : « Sois gentil et avenant avec ton modèle. Dirige comme tu aimerais être dirigé, ne laisse pas de silence trop pesant. Une ambiance musicale peut t’aider au début. Ne pars pas dans un éclairage trop complexe en voulant multiplier les sources, reviens aux fondamentaux et apprends à maîtriser une seule source. Fais autant de pauses que nécessaire. » Je lui conseillerais aussi un excellent exercice qui serait de réaliser un portrait « à la manière de ». Copier un style oblige à analyser l’image et à deviner la manière dont le photographe s’y est pris. Rien de plus instructif !
Sublimer un portrait c’est l’alchimie de la lumière, de l’instant et de sa retouche. Enlevez un de ces éléments et votre trépied ne tiendra pas debout.
Roméo Balancourt