Les canaux de Patagonie sont l’un des lieux les plus difficiles à vivre pour l’être humain. Les températures avoisinent les 0C°. Les vents violents atteignent régulièrement 250 km/h. L’air est chargée d’une humidité constante proche de 100%. C’est dans ces conditions que Christian Clot va s’aventurer à pied et en kayak lors de la seconde étape de l’Expedition Adaptation. Reportage et récit par Lucas Santucci.
Pendant 30 jours Christian sera en autonomie totale avec pour objectif de vivre isolé dans ce milieu inhospitalier. Une petite équipe l’accompagne : caméramans, photographes et scientifiques qui étudient l’adaptation du corps humain aux milieux les plus extrêmes sur terre. Ils sont là les trois premiers jours pour mettre en place les protocoles scientifiques et documenter l’expédition. Pour ma part, je suis envoyé par l’agence Zeppelin afin de ramener les images de son aventure hors norme pour les magazines.
La Patagonie
Il faut plusieurs heures de bateau pour arriver au cœur des canaux. La navigation est assez calme. Mais le capitaine nous montre régulièrement des tourbillons créés par le vent et les marées. Entre les éclaircies, on admire les otaries, les dauphins et les paysages où apparaissent comme par magie les arcs-en-ciel. Vue d’ici, au chaud dans la cabine, cette région ressemble à un véritable paradis. Mais au moment où l’on passe la tête hors de l’habitacle, la réalité est tout autre. L’air et le vent vous glacent les os. Les embruns et la fine pluie permanente finissent par vous laisser trempé de la tête au pied.
« les mains du photographe qui doivent rester absolument opérationnelles »
Lorsque nous débarquons Christian avec son kayak, Chino le fils du capitaine nous conduit avec un semi-rigide pour faire les images. Les conditions climatiques de cette zone sont très étranges, il pleut quasi en permanence. Parfois les nuages, poussés par de forts vents, laissent paraître le soleil un court instant faisant place à des paysages magnifiques. Dans ce froid je suis équipé de premières couches en mérinos ainsi que d’un pantalon et d’une veste Gore-Tex. J’ai des gants léger, mais indispensable, qui passent de moufles à mitaines en un clin d’œil. Je n’ai rien trouvé de plus confortable, dans les froids intermédiaires ( +10/-15 C°), pour les mains du photographe qui doivent rester absolument opérationnelles. Dans mon sac, j’ai toujours en plus une paire de gants traditionnels en peau de phoque, ramené du Groenland. Ça permet de réchauffer en quelques minutes des mains gelées par le vent et les embruns.
Tout au long de la journée, nous suivons les activités quotidiennes de Christian : navigation devant les glaciers, campement sur la plage, protocoles scientifiques, etc. Tout comme dans le désert du Lut en Iran ces conditions extrêmes ne laissent pas de place au hasard. Il faut en permanence anticiper la météo pour ne pas se retrouver dans une mer démontée ou ne pas avoir monté son camp alors que les vents soufflent à 250 km/h. Plusieurs situations qui pourraient entraîner la casse de matériel essentiel ou lui être fatale.
« photographier en conditions extrêmes »
Le matériel photo est lui aussi malmené. J’alterne le D5 équipé du 24-70 f2.8 et le D500 montés avec le 70-200 f2,8 en fonction des situations. Les parts soleils sont sortie et font office de par pluies… Les deux boîtiers sont en permanence autour de mon coup et sont donc aussi trempés que moi. Je suis impressionné par leur capacité à fonctionner dans ce milieu humide sans protection. Mes collègues caméramans sont obligés de fabriquer des housses de protection de fortune pour continuer à travailler. Un véritable confort pour photographier dans ces conditions difficiles.
Lorsque la pluie est battante et que les vents nous glacent, je pense souvent aux Indiens qui habitaient ici il y a plusieurs centaines d’années. Ne pouvant pas porter des vêtements humides en permanence, ils vivaient nus et s’enduisaient de graisse de phoque pour se protéger. Christian, dans son périple, a choisi une autre technique consistant à porter des vêtements secs dans sa tente et remettre tous les matins les vêtements humides de la veille.
« De longues minutes qui deviennent un enfer »
Après trois jours intenses, nous l’avons laissé partir seul face aux éléments. Avec son AW130, véritable appareil tout terrain, il continue à photographier et filmer son aventure. À son retour il nous a raconté qu’à deux reprises il a été éjecté de son kayak par des vents violents et des tourbillons. Dans la tempête il a passé plusieurs dizaines de minutes dans l’eau glacée à essayer de sauver son matériel et rejoindre la rive. De longues minutes qui deviennent un enfer. Mais dans quelques jours il faudra repartir dans le troisième et avant dernier milieu : l’Amazonie….
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