Le Monde de la Photo réalise son premier documentaire vidéo. L’équipe revient sur ses premiers repérages dans l’Ouest américain, du Montana au Colorado. Avant de mettre le cap sur l’Alaska !
Le Montana n’est pas un territoire inconnu pour nous. En 2012, nous avions rencontré la photographe Ami Vitale au cœur de la Centennial Valley. Et nous en avions profité pour découvrir le sublime parc du Yellowstone et ses fameux geysers. Cette fois, en atterrissant à Missoula, ville située à l’Ouest du Montana, notre objectif est différent. Avant de véritablement lancer la phase de tournage, nous souhaitons faire connaissance avec les protagonistes de notre projet de documentaire, Les Voix de la nature, qui consiste à partager le mode de vie d’écrivains emblématiques du nature writing, un genre littéraire méconnu en France.
Publiés aux éditions Gallmeister, les livres de Pete Fromm, Doug Peacock, Mark Spragg, John Gierach ou David Vann nous plongent au cœur de la wilderness. Qu’il s’agisse de pêche à la mouche, d’observation des grizzlys ou de la vie de cowboy, ces récits montrent toute la beauté, en même temps que la rudesse et l’hostilité des territoires de l’Ouest américain. Nous voulons raconter et illustrer tout cela en revenant avec les auteurs sur les lieux qui ont inspiré leurs écrits.
Rencontre avec Pete Fromm, au Snack, paisible café, dans le centre-ville de Missoula. Nous partageons un petit-déjeuner avec l’auteur d’Indian Creek. La veille, nous nous sommes rendus sur le lieu où il a vécu tout un hiver, expérience qui a abouti à ce récit d’initiation. Quelle bonheur et quel privilège de s’octroyer du temps en devisant sur notre projet, en laissant le matériel dans les sacs. Nous faisons connaissance, tout simplement. Son regard doux et paisible valide notre souhait de revenir à Indian Creek l’hiver prochain, sous la neige.
National Bison Range. Située à une heure de route, au nord de Missoula, cette réserve naturelle regorge de bisons, comme son nom l’indique, dans un superbe cadre, avec des chaînes de montagne enneigées en toile de fond. Un lieu d’une grande quiétude, au beau milieu d’une réserve indienne, où nous retournerons à coup sûr tourner quelques séquences, car il est possible d’approcher les « buffalos » de très près en voiture.
Se rendre à Indian Creek au printemps est déjà une aventure, tant la route étroite et gravillonnée serpente dans un décor indompté : John Boorman aurait pu tourner des scènes de Délivrance ici ! Les hordes de conifères à flanc de roches laissent imaginer une faune sauvage abondante. Pumas et lynx affectionnent particulièrement ce type de terrain. En arrivant à Paradise Camp, le long de la rivière Selway, nous saluons une joyeuse bande de jeunes gens sur le point de partir quelques jours en itinérance, sur leurs rafting. Nous prenons quelques notes et imaginons à quoi ressembleraient les lieux en plein hiver, sous la neige.
Pete Fromm a élevé des saumons une poignée de miles plus bas, dormant dans une tente. Dans la perspective de venir tourner ici, nous recherchons un endroit offrant un accès à l’électricité pour charger les accus quotidiennement (boîtiers, micros, enregistreurs externes…). Le fameux camp Mc Gruder, situé plus bas, où Pete attendit en vain son frère et son père lors d’une nuit cauchemardesque, comme il le narre dans Indian Creek, nous semble idéal pour séjourner. Pete nous confirme qu’il existe une possibilité. Reste à obtenir les autorisations et prier pour que le climat ne soit pas trop rude pour se rendre sur place à une époque où les pistes ne seront accessibles qu’en moto-neige !
Le Dixon Bar fait partie de ces endroits qui, une fois la porte franchie, vous transportent dans un autre univers. Portraits de chefs indiens accrochés au mur, dominés par une immense peau de « bull snake » derrière le comptoir, selle western en cuir bien en vue… et puis les « gueules » des propriétaires, tout droit sortis d’un film de Tarantino. Un endroit déglingué, bourré de charme, digne du Far West ! La prochaine fois, nous viendrons tourner…
Doug Peacock est un vétéran de la guerre du Vietnam. Aussi, la plaque d’immatriculation indiquant War Veteran ne laisse guerre de doute sur l’exactitude de l’adresse, lorsque nous nous garons devant sa maison. L’auteur de Mes années grizzlys vit au bout d’un lotissement, non loin de Livingston, en bordure d’une prairie où déambulent toutes sortes d’animaux sauvages. Nous faisons connaissance autour d’un verre de vin. Doug et sa compagne, Andrea, se montrent très enthousiastes vis-à-vis de notre projet. Alors que Jim Harrison nous a quittés quelques semaines plus tôt, Doug nous parle de son ami. Il ouvre une édition de Dalva avec émotion : il a rédigé certaines parties du chef-d’œuvre de Big Jim…
Pierre ocre, canyons spectaculaires, plaines à perte de vue : National Monument est un endroit d’une beauté à couper le souffle. À quelques miles de Grand Junction, il est aussi intéressant de s’y rendre au lever qu’au coucher du soleil. Un endroit idéal pour s’exercer aux mouvements panoramiques…
La vallée Dolores constitue un coup de cœur de notre phase de repérage. Nous nous imaginons facilement venir ici avec un écrivain (John Gierach ?). La présence massive de cervidés atteste d’un territoire protégé et préservé. Les maisons en bois évoquent les cabines de trappeur lors de la Conquête de l’Ouest. Les crêtes blanches des Rocheuses restent en permanence visibles.
Située non loin de Denver, la ville de Boulder surprend par son côté alternatif. La joie de vivre et la décontraction des habitants sont palpables. Idéal pour y établir un camp de base et se rendre à Lyons, où vit John Gierach. Nous l’avons rencontré dans cette bourgade paisible, prisée des artistes et nostalgiques des années flower power. John nous a amenés à un endroit où il aime particulièrement pêcher, près du Roosevelt National Forrest, où nous avons posé tous ensembles. Le long du trajet, dans son 4 x 4, nous avons parlé politique. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’à l’image de nombreux Américains dans la région, il s’inquiète de l’éventualité de voir Trump arriver au pouvoir… même si l’idée d’élire Hillary Clinton à la tête des États-Unis ne le ravit pas particulièrement.
Nous avons eu un peu la même sensation qu’au National Bison Range dans le Montana. Ce parc situé à une bonne heure de route de Lyons est tout simplement splendide. De nombreux cerfs y évoluent en toute tranquillité. Au beau milieu d’une plaine, nous avons repéré un cours d’eau dans une plaine bien dégagée, propice à un beau lancé de soie, comme on en voit dans le film référence sur la pêche à la mouche, Et au milieu, coule une rivière. L’arrière-plan montagneux apporte du relief. Reste à obtenir des autorisations pour venir filmer dans ce parc national…
Déjà, en phase de repérage, le poids du matériel s’est fait sentir. Nous avons pu mesurer la différence entre un reportage photo et un projet de documentaire vidéo. Nous avons eu quelques bonnes surprises cependant, puisque notre slider a été accepté en cabine. Mais la clémence des compagnies aériennes s’arrête là et un budget conséquent a été alloué aux excédents de bagages ! Juste un avant-goût de ce qui nous attend en Alaska, où nous nous rendons cet été, notamment pour filmer les grizzlys de l’île de Kodiak. Nous avons rempli un carnet ATA pour être en règle lors du passage en douanes : chaque batterie, chargeur, boîtier ou optique, le moindre accessoire comportant un numéro de série a été consigné. Cette fois, le tournage commence pour de bon !