Entre deux destinations lointaines, le photographe Alex Profit a pris le temps de nous parler de son travail autour du voyage et des paysages. Rencontre avec cet ex-publicitaire devenu photographe.
Comment avez-vous commencé à photographier ?
J’ai démarré en tant que directeur artistique dans la publicité. Puis, il y a 15 ans, j’ai eu envie de passer de l’autre côté. Être celui qui tient l’appareil photo et qui réalise les prises de vue. Je travaillais à l’époque sur beaucoup de projets photographiques ou visuels. Quand l’opportunité de changer de voie s’est présentée, j’ai sauté sur l’occasion. Ce sont des photographes comme Miles Aldridge, avec qui j’avais pu collaborer, qui m’ont aidé à franchir le pas.
La photographie n’était donc pas du tout une vocation au départ ! C’est en réalité l’arrivée des capteurs numériques et les possibilités offertes par la chaine numérique qui m’ont convaincu de m’y essayer sérieusement. Au début je me suis équipé modestement avec un Nikon COOLPIX 990, une véritable petite révolution en son temps. Cela me permettait de réaliser des photos-maquettes qui servaient de base à un travail photographique professionnel avec du matériel plus sérieux sur moyens-formats argentiques. Le numérique a finalement tout bouleversé. Aujourd’hui, je travaille exclusivement en reflex numérique, principalement dans les domaines du reportage et de la publicité.
Quelles sont vos sources d’inspirations dans votre travail photographique ?
Il y a eu un véritable renouveau dans la photographie il y a une quinzaine d’années, coïncidant avec les nouveaux usages permis par les appareils photo numériques. Je pense notamment l’école photographique allemande qui m’a fait une très forte impression : style graphique, très épuré, couleurs froides…
Mais c’est le cinéma qui m’apporte le plus de matière à réflexion. En particulier l’esthétique des films de Michelangelo Antonioni (Blow Up, Le Désert Rouge…), Yasujiro Ozu (Voyage à Tokyo), Jean-Luc Godard… Chez les cinéastes modernes, je suis sensible à la photographie et au cadrage méticuleux de Wes Anderson ou encore Wim Wenders, qui sont d’excellents photographes par ailleurs.
Vous avez fait le « buzz » avec vos vidéos en stop-motion – est-ce un format que vous affectionnez ?
Ces vidéos ont eu un large retentissement auprès d’un public qui ne me connaissait pas. Jusqu’alors, mon nom était connu dans le milieu des agences de publicité, ces vidéos m’ont apporté une visibilité et des répercussions bien au-delà. C’est un peu grâce à cela que je travaille aujourd’hui pour Air France Magazine notamment.
Si je ne travaille plus la vidéo actuellement, ces projets m’ont permis de m’ouvrir à de nouvelles disciplines, notamment la photographie de voyage, puisqu’ils m’ont mené un peu partout autour du monde. Cette discipline occupe maintenant la plupart de mon temps. Ces 6 derniers mois, j’ai ainsi visité Singapour, la Sibérie, la Corée du Sud… C’est passionnant car, lors de tels voyages, on peut passer d’un paysage à un portrait, d’une nature morte à une photo culinaire. Cette alternance des genres apporte une profusion visuelle qu’il faut savoir déchiffrer afin de construire une trame visuelle cohérente. Cela fait aussi partie de notre métier de ne pas tout montrer mais, au contraire, de sélectionner et d’assembler des photos pour l’histoire qu’elles racontent dans leur ensemble.
A Singapour, j’ai par exemple utilisé le vert comme dénominateur commun. C’est une ville qui a un aspect très végétal que l’on retrouve des bâtiments aux assiettes.
Quel est votre prochain voyage ?
Je pars au Brésil réaliser un reportage sur le plus grand musée d’art contemporain à ciel ouvert de la planète : l’institut Inhotim. Des œuvres y sont exposés sur plus de 1200 hectares et se mêlent à un important jardin botanique. Ce voyage, comme tous mes autres voyages, est aussi l’occasion de repérer de potentiels sujets que je pourrai ensuite proposer à la presse.
Des endroits qui vous ont marqué lors de vos voyages ?
L’Afrique du Sud m’a fait très forte impression : les paysages sont bluffants, il y a une diversité incroyable, des montagnes à perte de vue… c’est un endroit fascinant ! J’ai réalisé un périple de 4000km en passant dans des parties désertiques, comme le désert du Karoo, très peu visité.
Les paysages urbains de Tokyo m’ont aussi marqué. Cette ville a été un choc photogénique dont je ne me remets pas. L’architecture y est cubique, minérale, mélangée. C’est une source d’inspiration photographique extraordinaire où la rencontre entre ancien et moderne est extraordinaire.
Quels sont vos projets actuels ?
Je travaille actuellement sur une commande de la SNCF. Ce travail représente environ 2000 clichés. Il consiste à photographier tous les trains en situation, ce qui n’avait pas été fait depuis très longtemps.
Ce projet demande de garder une véritable unité visuelle quelle que soit le type de train ou le décor, un véritable défi étant donné la diversité du « patrimoine » de la SNCF. Spécifiquement sur cette commande, j’ai recours au montage photographique en assemblant plusieurs images en une seule. Cette méthode permet d’arriver à un résultat très proche de ce que j’imagine avant la prise de vue. Sans cela, ce serait quasi impossible !
Quel matériel utilisez-vous ?
Lorsque j’ai récemment dû me rééquiper, mon critère de choix principal était le piqué d’image. Mes photos sont en effet publiées dans des magazines (par exemple Air France magazine, ou Marie Claire Maison), parfois en double page, ce qui ne laisse pas de place aux imprécisions. Après quelques essais, il s’est avéré que c’était le Nikon D800 et son capteur 36mpx qui proposait le meilleur rendu. En traitant les fichiers RAW à l’aide de Capture One, j’obtiens des résultats parfaits pour mon travail.
Et il faut reconnaître que cet appareil correspond bien à un travail de reportage : il est instinctif, rapide… Je travaille uniquement en mode manuel, entièrement débrayé. Et quand on prend plus de 400 photos par jours, il faut un boitier aisé à manipuler, ergonomique et qui tienne la cadence. Le D800 remplit parfaitement ce rôle… même mieux que je ne l’espérais. Et, étonnamment pour cette résolution, la montée ISO se fait sans problème.
Côté optique, j’utilise le trio f/2.8 : NIKKOR 14-24mm f/2.8, NIKKOR 24-70mm f/2.8 et 70-200mm f/2.8. Le 24-70mm réalise 80% des clichés qui sortent du boitier.